Maisonau bord de la voie ferrée (House by the Railroad en anglais) est un tableau de l'artiste américain Edward Hopper réalisé en 1925. Il s'agit du premier succÚs artistique et commercial du peintre [1].Le tableau est exposé au MoMa à New-York [2].. Description. Maison au bord de la voie ferrée est une peinture à l'huile sur toile. Ce tableau de 61 à 73,7 cm [2] représente une
DĂ©corationmurale murale extĂ©rieure Maison le long de la voie ferrĂ©e - Edward Hopper - 160x80 cm. Les affiches de jardin, Ă©galement appelĂ©es toile de Ga naar zoeken Ga naar hoofdinhoud. profitez du shopping sans soucis. Livraison gratuite Ă partir de 20 ⏠Livraison le jour-mĂȘme, le soir ou le week-end* Retours gratuits; Select DĂ©couvrez maintenant les 4 avantages. Rechercher
EdwardHopper, Chambre Ă New York, Maison au bord de la voie ferrĂ©e RenĂ© Magritte, L'Empire des LumiĂšres Do-Ho Su, Perfect Homes Samuel van Hoogstraten, Les Pantoufles FĂ©lix Vallotton, Femme fouillant dans un placard, IntĂ©rieur avec une femme en rouge de dos Vermeer, Rue de Delft Ădouard Vuillard, IntĂ©rieurs Presse Magazines spĂ©cialisĂ©s, de Maison crĂ©ative Ă Art &
Re: Maison au bord d'une voie ferrĂ©e, que faire. Il faut sâintĂ©resser en prioritĂ© Ă lâisolation phonique des menuiseries et des entrĂ©es dâair qui constituent le maillon faible. Menuiseries doubles vitrages dissymĂ©triques et entrĂ©es dâair correspondantes (30 â 35 â 40 Db etcsuivant PV dâessais).
Maisonau bord de la voie ferrée (House by the Railroad en anglais) est un tableau de l'artiste américain Edward Hopper réalisé en 1925. Il s'agit du premier succÚs artistique et commercial du peintre. Le tableau est exposé au MoMa à New-York. Description Maison au
Maisonau bord de la voie ferrée est un tableau de l'artiste américain Edward Hopper réalisé en 1925. Il s'agit du premier succÚs artistique et commercial du peintre[1]. Le tableau est exposé au MoMa à New-York[2].
Envente sur 1stDibs - « The Family House at Nyack » (La maison de famille à Nyack), Edward Hopper, Childhood Home, American Modernism, Paper,
EdwardHopper peint la solitude des ĂȘtres : un bar la nuit oĂč il ne se passe rien ; des gens au soleil ; une jeune femme seule dans un train ; une maison au bord de la voie ferrĂ©e digne dâun film de Hitchcock ; une jeune fille sur un perron dont on ne peut dĂ©finir ce quâelle attend, ni dans quel Ă©tat dâĂąme elle se trouve ; une autre, appliquĂ©e et dĂ©modĂ©e, dont on pense quâelle
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áœ. CĂĄch Vay Tiá»n TrĂȘn Momo. Abstract Index Outline Text Bibliography Notes References About the author Abstracts En 1991, le poĂšte, traducteur et essayiste Claude Esteban 1935-2006 publie aux Ă©ditions Flammarion Soleil dans une piĂšce vide et autres scĂšnes, suite de 47 courtes proses consacrĂ©es Ă autant de tableaux du peintre Edward Hopper, qui valent Ă leur auteur de recevoir, la mĂȘme annĂ©e, le Prix France-Culture. On sâinterrogera sur cette traductionâ des tableaux en textes, traduction dont la fidĂ©litĂ© Ă lâĂ©gard des sources picturales se mesure davantage Ă lâoriginalitĂ© de lâinterprĂ©tation quâau respect aveugle dâun donnĂ©-Ă -voir dont on ignorerait ce quâil doit Ă la subjectivitĂ© dĂ©sirante du spectateur. QualifiĂ©s de rĂ©cits » ou de scĂšnes », les textes qui composent le recueil sâapparentent pourtant Ă de vĂ©ritables poĂšmes en prose â dont on sâattachera Ă dĂ©finir les caractĂ©ristiques, et ce quâelles doivent Ă la peinture de lâartiste amĂ©ricain. In 1991, the poet, translator and essayist Claude Esteban 1935-2006 published Soleil dans une piĂšce vide et autres scĂšnes Flammarion, a sequence of 47 short texts in prose devoted to the same number of paintings by Edward Hopper, that earned their author the France-Culture Prize, in the same year. This translationâ from paintings to texts may be questioned, as fidelity towards the pictorial source can be measured by the originality of the interpretation more than by a strict respect to a vision partly related to the spectator's own desiring subjectivity. Even though they are called narratives » or scenes », the texts from this collection of poems can, however, be seen as genuine poems in prose, the characteristics of which have to be defined as well as what they owe to the painting of the American of page Full text Introduction 1 On se reportera au collectif Le Travail du visible Claude Esteban et les arts plastiques pour pr ... 1En 1991, le poĂšte, traducteur et essayiste Claude Esteban 1935-2006 â dont lâĆuvre fut de multiples façons engagĂ©e auprĂšs des arts plastiques1 â publie aux Ă©ditions Flammarion Soleil dans une piĂšce vide et autres scĂšnes, suite de 47 courtes proses consacrĂ©es Ă autant de tableaux dâEdward Hopper. Douze ans plus tard, les Ă©ditions Farrago rééditent le recueil 2003, quâun bandeau de couverture prĂ©sente alors comme des scĂ©nographies dâEdward Hopper » câest quâentretemps la cote du peintre amĂ©ricain nâaura cessĂ© de croĂźtre. Sâil Ă©claire de sa prĂ©sence un titre plus poĂ©tique quâexplicite aux yeux des non initiĂ©s, le nom de lâartiste en couverture joue de cette reconnaissance accrue, pariant sur le fait que le public des admirateurs » du peintre, qui sont nombreux » soulignait le poĂšte Esteban 1991 7, ira Ă la poĂ©sie par la mĂ©diation de la peinture. La transformation de lâamateur de peinture en lecteur de poĂ©sie reproduit en cela la dĂ©marche du poĂšte, qui sâen explique dans le texte figurant en quatriĂšme de couverture Quelquâun regarde un tableau. Il aime tellement ce tableau quâil voudrait, Dieu sait pourquoi, ne plus le contempler seulement, mais se trouver Ă lâintĂ©rieur de la scĂšne, comme un personnage, comme un livre posĂ© sur la nây parvient pas. Alors il se met Ă regarder tous les autres tableaux de ce peintre, un par un, dans les musĂ©es â et le mĂȘme phĂ©nomĂšne se produit. [âŠ] Lâhomme qui regarde comprend quâil ne pourra jamais habiter chacune de ces images, quâelles sont lĂ et quâelles lui Ă©chappent. Il dĂ©cide donc de vivre Ă cĂŽtĂ© dâelles avec des mots, des mots qui, peu Ă peu, se transforment en une histoire, celle du peintre peut-ĂȘtre, la sienne aussi [âŠ]. Esteban 1991 4Ăšme de couverture 2Lâappel Ă contributions qui lançait notre journĂ©e dâĂ©tude soulignait prĂ©cisĂ©ment la propension de la peinture de Hopper Ă convoquer lâĂ©criture Quâen est-il de la multitude de romans, de poĂšmes, de films et de piĂšces de théùtre qui tentent de réécrire les tableaux de Hopper alors mĂȘme que lâartiste prĂ©sageait le caractĂšre quelque peu futile de telles entreprises If you could say it in words there would be no reason to paint » ?LâesthĂ©tique de Hopper est-elle Ă ce point image du manque quâelle mĂšne forcĂ©ment Ă une pulsion dâĂ©criture ? 3Si la remarque de lâartiste suppose quâun geste artistique ne saurait se substituer Ă un autre, il suggĂšre simultanĂ©ment quâune commune mesure existe entre les arts, une parole cherchant en chacun dâeux Ă sâin-former. Câest ce comme-un des arts » Deguy 1987 142 qui justifie que lâon rassemble sous le terme gĂ©nĂ©rique dâ Art » des pratiques dont diffĂšrent les moyens, et qui explique que le poĂŻetes grec » soit aussi bien sculpteur, poĂšte ou peintre », comme le souligne Esteban dans La poĂ©sie, tout comme la peinture », puisque le poĂŻetes est toujours celui qui recherche une forme dâexpression qui veut renouveler la vie » 2001 193. PoĂšte comme peintre ont donc Ă cĆur de renouveler la vie, le poĂšte qui parle au regard de la peinture renouvelant la peinture en mĂȘme temps quâil renouvelle la vie. 2 Je crois sincĂšrement que la meilleure critique est celle qui est amusante et poĂ©tique ; non pas ... 4Le fait dâĂ©crire Ă partir de, ou avec la peinture relĂšve-t-il de la redondance ? La réécriture » est-elle redite ou recrĂ©ation ? Si le texte redit, il dit forcĂ©ment mal ce que dit le peintre se passe de mots et demeure, Ă ce titre, intraduisible ; sâil recrĂ©e en revanche, le prĂ©fixe nâengage pas Ă la rĂ©pĂ©tition, pour signifier lâacte de crĂ©ation dans lâinvestissement dâun geste nouveau, dâune reprise dynamique si le meilleur compte-rendu dâun tableau pourra ĂȘtre un sonnet ou une Ă©lĂ©gie2 », constate dĂ©jĂ Baudelaire, câest quâun tel compte-rendu » se hisse lui-mĂȘme au-niveau de la crĂ©ation, câest-Ă -dire des forces qui la sous-tendent » Esteban 2001 193, soit joue pleinement le jeu de la mimesis entendue auprĂšs dâAristote comme jeu poĂŻĂ©tique de relations entre les diffĂ©rentes formes artistiques, et non comme simple redoublement des apparences » Esteban 2001 192. De fait, les textes dâEsteban ne font pas retour vers des tableaux dont ils constitueraient a posteriori de pĂąles hologrammes ; Ă rebours, ce sont les tableaux de Hopper qui appellent une parole Ă venir. Nous lirons donc ces proses dans une dynamique prospective et non rĂ©trospective elles ne participent pas du ressassement mais du renouvellement. 3 Les toiles de Hopper sâapparentent Ă des vies silencieuses » still lives â lâexpression frança ... 4 La recension de GaĂ«tan Brulotte suggĂšre dans son premier paragraphe Il sâagit peut-ĂȘtre de poĂš ... 5Mon hypothĂšse est que lâĆuvre de lâartiste amĂ©ricain, non seulement encourage une parole dont elle met paradoxalement en scĂšne lâabsence, le manque, voire les manquements non tant parce quâelle est, peinture, poĂ©sie muette », que parce quâelle met en scĂšne le silence3, mais encore propose Ă la poĂ©sie une forme quâelle pratique certes dĂ©jĂ , mais dont elle peine depuis Baudelaire Ă assumer les paradoxes constitutifs le poĂšme en prose. Selon moi4, Soleil dans une piĂšce vide permet au poĂšme en prose dâatteindre un Ă©quilibre tel quâil en devient paradigmatique dâune forme qui aura pourtant toujours refusĂ© de se laisser enclore. Je tiens, de fait, que la peinture de Hopper possĂšde cette facultĂ© de rĂ©vĂ©ler une forme poĂ©tique Ă elle-mĂȘme, pour donner une leçon de poĂ©sie Ă la poĂ©sie mĂȘme. NĂ©anmoins, le poĂšme en prose de Claude Esteban nâest pas la rĂ©plique affaiblie des tableaux dâEdward Hopper ; câest la peinture qui donne son chiffre Ă la forme poĂ©tique par excellence de la modernitĂ©. Car ce ne sont pas tant des contenus quâoffre la peinture de lâartiste amĂ©ricain Ă lâĂ©criture personnages, paysages, scĂšnes ne demandant quâĂ ĂȘtre dĂ©crits, mis en rĂ©cit quâune forme sa toile appelle naturellementâ le poĂšme en prose ; mais un poĂšme en prose inĂ©dit, qui doit davantage au Baudelaire des Petits poĂ«mes en prose dans leur double pente narrative-critique quâaux poĂštes du XXe siĂšcle qui se seront emparĂ©s dâune forme plastique entre toutes Pierre Reverdy et Max Jacob au premier chef, dont la sensibilitĂ© picturale ne fut assurĂ©ment pas Ă©trangĂšre Ă lâattention quâils lui portĂšrent. Si les textes dâEsteban revendiquent une approche fidĂšle » des tableaux contemplĂ©s Ă New York, Boston ou Marseille, le poĂšte prĂ©cise quâune telle fidĂ©litĂ© est contrebalancĂ©e par un peu dâinterprĂ©tation » 1991 7 câest cette interprĂ©tation » de la partition picturale qui donne lieu au poĂšme en prose. 1. RĂ©pondre 6Dans la lettre-dĂ©dicace Ă ArsĂšne Houssaye, qui ouvre son recueil posthume, Baudelaire rend compte du lien Ă©troit existant entre cette forme nouvelle du poĂšme et la modernitĂ©, Ă lâaune dâun dĂ©sir de peinture que lâon prendra soin de pas recevoir en termes exclusivement mĂ©taphoriques Câest en feuilletant [âŠ] le fameux Gaspard de la Nuit, dâAloysius Bertrand [âŠ], que lâidĂ©e mâest venue de tenter quelque chose dâanalogue, et dâappliquer Ă la description de la vie moderne, ou plutĂŽt dâune vie moderne et plus abstraite, le procĂ©dĂ© quâil avait appliquĂ© Ă la peinture de la vie ancienne, si Ă©trangement est celui de nous qui nâa pas, dans ses jours dâambition, rĂȘvĂ© le miracle dâune prose poĂ©tique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtĂ©e pour sâadapter aux mouvements lyriques de lâĂąme, aux ondulations de la rĂȘverie, aux soubresauts de la conscience ? Câest surtout de la frĂ©quentation des villes Ă©normes, câest du croisement de leurs innombrables rapports que naĂźt cet idĂ©al obsĂ©dant. Baudelaire [1869] 1997 21-22 5 DâaprĂšs Cobbâs Barn and Distant Houses, v. 1931. 6 DâaprĂšs Railroad Sunset, 1929. 7Cet idĂ©al obsĂ©dant », quoiquâil fĂ»t poursuivi par dâautres moyens et Ă une Ă©poque postĂ©rieure, est le mĂȘme qui aimanta lâĆuvre de Hopper, pareillement dĂ©vouĂ©e Ă la description dâune vie moderne et plus abstraite ». La question, en effet, est bien celle du pittoresque », soit de ce qui, de la vie, serait digne dâĂȘtre peint. Il nâest pas anodin quâEsteban place en Ă©pigraphe de Soleil dans une piĂšce vide cette phrase de Melville, empruntĂ©e Ă Bartleby lâĂ©crivain On pouvait considĂ©rer cette vue comme un peu terne et manquant de ce que les paysagistes appellent le pittoresque. » 1991 9 Sâil est difficile de dĂ©terminer laquelle, de la vue » du peintre ou de lâĂ©crivain, est privĂ©e de pittoresque, le poĂšte suggĂšre que la grande peinture nâest pas nĂ©cessairement celle sâattachant Ă ce qui est digne dâĂȘtre regardĂ© Ici, par exemple, il nây a rien, absolument rien, qui puisse retenir lâattention dâun homme des villes, celui qui veut trouver Ă coup sĂ»r une note de pittoresque », est-il notĂ© dans LâĂ©table de Cobb5 » 1991 68. Ou encore Ce nâest pas assez pittoresque, pas assez exotique. Ce nâest quâune voie ferrĂ©e Ă lâheure du soleil couchant. » 1991 41-42, lit-on dans Chemin de fer au soleil couchant6 ». Pourtant, Câest un spectacle assez magnifique, disons-le, qui se renouvelle, quelques instants, chaque soir. » Mais Personne nây prĂȘte attention. » 1991 43 â en dehors de peintre et poĂšte, qui se seront employĂ©s Ă nous donner en partage la beautĂ© bizarre » Baudelaire [1863] 1999 516 du monde moderne que nous habitons, le fantastique rĂ©el de la vie » Baudelaire [1863] 1999 521 qui est la nĂŽtre quais de gare, tunnels ferroviaires, halls dĂ©serts, chambres dâhĂŽtel, bureaux, distributeurs de cafĂ©, lits dĂ©faits... 7 Cf. peu dâhommes sont douĂ©s de la facultĂ© de voir ; il y en a moins encore qui possĂšdent la puis ... 8 Les textes citĂ©s dâEsteban sâattachent respectivement Ă Automat 1927, New York Movie 1930, Gir ... 8En cela, Hopper aura pleinement su voir et exprimer7 la beautĂ© moderne » Baudelaire [1846] 1999 240 qui obsĂ©da Baudelaire sa vie durant, que le poĂšte-critique dâart appela de ses vĆux dĂšs le Salon de 1846 pour y revenir dans le texte de 1863 justement intitulĂ© Le Peintre de la vie moderne. Notre Ă©poque », constate-t-il déçu par ces peintres au regard Ă©moussĂ© » [1863] 1999 521 qui persistent Ă reprĂ©senter sans cesse le passĂ© » [1846] 1999 236, nâest pas moins fĂ©conde que les anciennes en motifs sublimes » [1846] 1999 237 Le spectacle de la vie Ă©lĂ©gante et des milliers dâexistences flottantes qui circulent dans les souterrains dâune grande ville » regorge de tableaux dignes dâĂȘtre peints ; car il y a des sujets privĂ©s, qui sont bien autrement hĂ©roĂŻques » que les sujets publics et officiels » [1846] 1999 239 auxquels sâattachait la peinture ancienne. Or ce sont ces existences flottantes » que peint Hopper et imagine Esteban Ă sa suite ainsi la jeune fille esseulĂ©e du Distributeur de cafĂ© », lâouvreuse de CinĂ©ma Ă New York », la danseuse de Girlie Show », les protagonistes des Oiseaux de nuit », lâhomme assis dans le Bureau dans une petite ville »âŠ8 ; ce sont ces sujets privĂ©s » qui prĂ©occupent le regard de lâartiste et sollicitent lâimagination du poĂšte, comme en tĂ©moignent toutes ces chambres dans lesquelles notre regard est invitĂ© Ă plonger, tous ces couples silencieux saisis dans lâintimitĂ© dâun quotidien quâon ne leur envie guĂšre⊠9 Relativement critique vis-Ă -vis de lâentreprise dâEsteban, Buisine place en Ă©pigraphe cette phrase ... 9Les Ă©tudes consacrĂ©es au recueil dâEsteban en soulignent toutes la dimension narrative Ă la suite du peintre qui se prĂȘtait au mĂȘme jeu, il Ă©labore des scĂ©narii, constate GĂ©rard Farasse dans Le peintre en lettres. Claude Esteban, Edward Hopper » ; Alain Buisine, trĂšs critique vis-Ă -vis de la mise en rĂ©cit des toiles de Hopper, sâintĂ©resse Ă des dispositifs narratifs quâil juge inadĂ©quats, dans sa contribution au collectif RĂ©cits/tableaux9 ; Henry Gil analyse de son cĂŽtĂ© cette tentation du romanesque » 2010 qui vise Ă redoubler la fiction des images par la fantasmagorie dâune histoire » Esteban 2004 161. Et ce sont les expressions courts rĂ©cits », suite de scĂšnes » Esteban 1991 7 ou scĂ©nographies » Esteban 2004 161 auxquelles recourt le poĂšte pour caractĂ©riser ses Ă©crits. 10 Henry Gil note Ă juste titre quâ il sâagit dâun narratif Ă peine esquissĂ© qui bifurque souvent, ... 11 Psychose dans Maison prĂšs de la voie ferrĂ©e », dont on sait que la toile inspira le film ; FenĂȘt ... 10Pour autant, ce qui apparaĂźt remarquable dans ces micro-rĂ©cits est moins la pente narrative que ce qui, prĂ©cisĂ©ment, Ă©chappe au rĂ©cit10 dans le poĂšme en prose qui paradoxalement lâautorise. Si Esteban se plaĂźt Ă imaginer des scĂ©narii qui empruntent Ă lâimaginaire cinĂ©matographique nord-amĂ©ricain11, lâexistence de ses personnages nâacquiert quelque Ă©paisseur quâĂ demeurer enclose dans lâespace cadrĂ© du tableau 12 Bureau dans une petite ville ». On sent bien que cet homme nâexiste pas en-dehors de ce bureau qui domine, de ses grandes baies, la ville. Il est impossible dâimaginer lâhomme au-dehors. OĂč irait-il ? Il est entrĂ© un jour dans ce bureau, peut-ĂȘtre mĂȘme ne sait-il plus sâil y eut un premier jour, comme dans les rĂ©cits de la GenĂšse, et depuis lors il est lĂ , devant la table et la fenĂȘtre. Tout le monde, sans doute, a oubliĂ© quâil y avait lĂ un bureau, avec un homme assis, et un paysage de toitures et de cheminĂ©es. La vie se dĂ©roule ailleurs, dans dâautres bureaux, derriĂšre celui-ci, ou plus loin, Ă dâautres 1991 171 13 Ces catĂ©gories, qui ont le mĂ©rite de la clartĂ©, ne sont cependant pas impermĂ©ables. 14 Les ouvrages et articles sont trop nombreux pour ĂȘtre citĂ©s on se reportera Ă la Bibliographie ... 11Avant de caractĂ©riser le dialogue qui sâinstalle entre les poĂšmes en prose dâEsteban et les peintures de Hopper, il me faut inscrire la dĂ©marche du poĂšte dans lâensemble de ses Ă©crits sur lâart. On repĂ©rera trois types dâapproche picturale chez Esteban, qui correspondent Ă autant de formes littĂ©raires13 une approche critique, qui se dĂ©ploie dĂšs la fin des annĂ©es 1960 dans la prose des articles, des essais et des monographies14 ; une approche poĂ©tique, que servent des poĂšmes en vers accompagnant le regard portĂ© sur des Ćuvres aimĂ©es notamment celle de Joseph Sima, dĂšs 1981 ; enfin, une approche mi-poĂ©tique mi-critique plus tardive, que je dirais poĂŻĂ©tique, dans lâidĂ©e quâelle cherche Ă rejoindre le poĂŻein commun Ă la poĂ©sie et Ă la peinture â les poĂšmes en prose dĂ©diĂ©s aux toiles de Hopper explorant cette autre voie. Le poĂšte rĂ©sume lui-mĂȘme son parcours Face Ă la peinture, jâai toujours Ă©prouvĂ© le besoin dây apporter [...] une sorte de rĂ©ponse. [...] jâai pratiquĂ© les approches critiques, mais on peut toujours craindre [...] quâil ne sâagisse lĂ dâun cheminement fatalement discursif. [âŠ] Jâai tentĂ© dâautres cheminements et jâai pensĂ© [...] quâun poĂšme pouvait se situer dans le sillage dâune Ćuvre dâart, lâaccompagner [...] par une sorte de connivence [âŠ]. Bien plus tard, je me suis livrĂ© Ă un autre type dâapproche [...]. Ce qui me fascine dans les images peintes et qui me dĂ©sespĂšre aussi, câest leur fixitĂ©. [âŠ] Jâaurais voulu que les formes et les figures sâaniment dans le tableau et câest la raison pour laquelle jâai choisi Edward Hopper. [âŠ] 2001 194 ; 199 15 Laura Legros montre bien que la prose critique du poĂšte va [âŠ] en fin de parcours se pencher ver ... 16 Si le terme dâ accompagnement » est employĂ© positivement par Esteban pour qualifier la seconde a ... 17 Cf. lâarticle sus-citĂ© de Laura Legros. 12Soleil dans une piĂšce vide et autres scĂšnes rĂ©alise ainsi la synthĂšse des deux voies antĂ©rieurement empruntĂ©es, dont le poĂšte mesure pleinement les risques, discursifs15 comme approximatifs16. Si lâapproche critique nâest pas abandonnĂ©e au profit exclusif du poĂšme dâaccompagnement, de mĂȘme que ce dernier ne disparaĂźt pas au bĂ©nĂ©fice de lâapproche poĂŻĂ©tique, on peut nĂ©anmoins penser que chaque voie amende la prĂ©cĂ©dente et que la prose critique bĂ©nĂ©ficie par contrecoup de la dimension poĂ©tique17. Dans la table ronde conduite en 1989 autour dâOctavio Paz, le poĂšte et traducteur tĂ©moigne [Octavio Paz] accompagne lâĆuvre de certains artistes, [âŠ] non pas dâun commentaire critique [âŠ], mais dâune restitution poĂ©tique [âŠ] Et [âŠ] câest aussi un apport pour lâartiste de savoir que, [...], sur son registre, le poĂšte lâaccompagne, [...] fournit une sorte de tableau fait de mots que lâon peut mettre en parallĂšle, en rĂ©pons, avec lâĆuvre. 1989 26 18 Cf. [âŠ] tous les grands poĂ«tes deviennent naturellement, fatalement, critiques. Je plains les po ... 13La restitution poĂ©tique » accompagne autrement que le commentaire », voire mieux, lâĆuvre picturale. On peut toutefois avancer que la symbiose des approches critique et poĂ©tique constitue un point dâaboutissement, pour associer la rigueur de lâune Ă la justesse sensible de lâautre, tout en se dĂ©barrassant de leurs dĂ©fauts potentiels discursivitĂ© critique ; approximation poĂ©tique. Or, dans le cas dâEsteban, câest lâĆuvre de Hopper qui ouvre cette troisiĂšme voie, rendant possible, au moyen de la prose, lâhybridation de la critique et du poĂšme. Si la peinture, comme pour Baudelaire auprĂšs de Guys ou Delacroix, est ce miroir grĂące auquel le grand poĂšte devient critique18, elle conduit aussi Ă renouveler la pratique de la poĂ©sie. 14Lorsque Henry Gil suggĂšre que la transgĂ©nĂ©ricitĂ© invente un genre nouveau qui utilise des potentialitĂ©s propres [aux] divers genres » 2010 237 que sont le théùtre, le cinĂ©ma et roman, il en vient in extremis Ă mentionner la poĂ©sie Enfin, ne peut-on penser aussi Ă la poĂ©sie, quand on se rappelle que la tĂąche la plus noble de celle-ci est dâĂ©tablir des correspondances mystĂ©rieuses entre les signes du monde », ce que semble viser ici cette prose imprĂ©visible dont la linĂ©aritĂ© est constamment dĂ©viĂ©e ou brisĂ©e afin de mieux mettre en signes ces diverses scĂ©nographies. 2010 237-238 15Il me semble que câest prĂ©cisĂ©ment ce que peut le poĂšme en prose au regard de lâimage, assumer cette transgĂ©nĂ©ricitĂ© » opĂ©rant dans un contexte prioritairement narratif théùtre, cinĂ©ma, roman, tout en permettant au discours poĂ©tique de se dĂ©ployer. Sa plasticitĂ© est, de fait, son meilleur atout. 2. Soutenir des paradoxes 19 Les Ă©tudes conduites par GĂ©rard Farasse ou Henry Gil lisent admirablement certains de ces textes ; ... 16Comment, concrĂštement, la peinture dâEdward Hopper informe-t-elle lâĂ©criture de Claude Esteban19 et, ce faisant, accomplit-elle le devenir du poĂšme en prose ? En lui proposant de soutenir les paradoxes quâelle-mĂȘme soutient, qui caractĂ©risent en profondeur sa maniĂšre. Je me propose dâĂ©numĂ©rer quelques-uns de ces paradoxes constitutifs de lâĆuvre peint, que ressaisit le poĂšte dans ses proses, le poĂšme / en prose apparaissant comme la forme idoine pour sâemparer de donnĂ©es paradoxales. Je relĂšve sept paradoxes, qui sont autant de tensions dynamiques modelant en profondeur le geste pictural dâEdward Hopper, dont hĂ©rite lâĂ©criture poĂ©tique de Claude Esteban par la mĂ©diation du poĂšme en prose. 2. 1. Abstraction vs. figuration 20 On se reportera notamment au chapitre La nature et son lieu » [1983] de Traces, figures, travers ... 17Dans Traces, figures, traversĂ©es, ultime essai consacrĂ© par Esteban Ă la peinture contemporaine sa critique sâattachera par la suite Ă une peinture plus ancienne Claude Lorrain, Rembrandt, Goya, VelĂĄzquez, Murillo, Caravage, le poĂšte revient sur lâinanitĂ© du partage entre abstraction et figuration20 quâil pointait dĂ©jĂ dans son Palazuelo Lâart nâest pas figuratif ou abstrait il est mĂ©diation de lâĂȘtre sous les espĂšces dâune forme » 1980 90. Or la peinture figurative de Hopper nâen est pas moins abstraite â et ce triplement â Les scĂšnes quâelle met en lumiĂšre ont Ă©tĂ© extraites/abstraites du cours de la vie, sortes dâarrĂȘts sur image constituant autant de tableaux dâexistences Ă lâĂ©tat nuclĂ©aire. â Ce que montrent ces peintures sont des personnages et des paysages comme abstraits dâun monde dont ils paraissent exclus. 21 Le peintre Aguayo, qui sâentretient avec Claude Esteban, constate PlutĂŽt quâĂ voir, lâĆil a te ... 22 Cf. Tout ce que je veux, câest peindre la lumiĂšre sur lâangle dâun mur, sur un toit. », Edward H ... â Il suffit de dĂ©barrasser notre regard du dĂ©sir mimĂ©tique21 pour ne plus voir dans les compositions de Hopper que des dĂ©clinaisons de la lumiĂšre la seule histoire que raconte lâartiste, câest celle de la lumiĂšre en effet22, la façon quâelle a de pĂ©nĂ©trer les lieux ou de les Ă©clairer Ă peine, de toucher les corps, de trahir le moment de la journĂ©e ou la saison, mais encore la qualitĂ© du regard que nous portons sur le monde. 23 Si les 47 textes suivent lâordre chronologique de composition des tableaux de 1921 Ă 1963, il re ... 24 Lâanalyse pourrait sâappliquer Ă nâimporte quel poĂšme du recueil. 25 Soleil dans une piĂšce vide », dâaprĂšs Sun in an Empty Room, 1963. 18Ă cet Ă©gard, le choix dâEsteban de faire se rĂ©pondre la Jeune fille Ă sa machine Ă coudre », au limen, et Soleil dans une piĂšce vide », Ă la clausule23, est significatif dans les deux cas, la lumiĂšre est le personnage principal de ces proses24, qui suggĂšrent quâelle seule survit Ă la mort des ĂȘtres. La jeune femme vieillira plus vite » 1991 13 que sa machine Ă coudre, et nâapparaĂźt quâaprĂšs que la lumiĂšre qui baigne la piĂšce a Ă©tĂ© dĂ©crite ; Lâhomme est peut-ĂȘtre mort25 » 1991 196, dont on imagine quâil a vĂ©cu dans cette maison vide, et son existence putative nâest que le produit de la lumiĂšre lĂ©chant les murs. En outre, la description de la façon dont la lumiĂšre pĂ©nĂštre les lieux nâintervient quâaprĂšs un premier moment descriptif ou narratif, comme si lâĂ©criture respectait les mouvements dâun regard dâabord happĂ© par les contenus de lâimage, avant que ne se pose Ă lui la question de la source lumineuse [âŠ] Par une croisĂ©e qui se dĂ©couvre sur la droite, la lumiĂšre entre de biais [...].. Lâangle mĂȘme de lâombre portĂ©e indique [...] que le soleil nâest plus Ă son zĂ©nith, mais quâil habite encore lâintimitĂ© de la piĂšce [...].. Dehors, [...] le contraste sâaccuse entre cette constance solaire tout abstraite et le parcours des heures sur le mur. [âŠ] Sur le mur, le mĂȘme tableau quâelle ne voit plus Ă force de le voir. [âŠ] 1991 11 Je souligne. [âŠ] Et ici, une chambre est vide, en effet, comme nue dans la lumiĂšre qui pĂ©nĂštre de biais par la fenĂȘtre. [...]. Ceux qui vivaient dans la maison [...] sont partis, [...] et de leur passage ne demeure que cet espace oĂč le soleil rĂ©chauffe un peu les murs [âŠ].1991 195-196 Je souligne. 19Abstraction/extraction de la lumiĂšre construisant la scĂšne Ă elle seule ; personnages Ă lâĂ©cart du monde », dans lâintimitĂ© » proprement abstraite » dâune chambre ou dâune piĂšce dĂ©sertĂ©e ; tableaux que lâon ne voit plus Ă force de les voir ou parce quâils ont disparu les deux poĂšmes mettent en abĂźme le poĂŻein coudre, peindre, Ă©crire, qui suppose de sâabstraire du monde en mĂȘme temps quâon en abstrait un Ă©clat. Notons que les petits » poĂšmes en prose, comme les qualifiait de façon ambiguĂ« Baudelaire briĂšvetĂ© ou mĂ©diocritĂ© ?, dont lâaudace formelle autorise une vie moderne et plus abstraite » Ă ĂȘtre dite, seront appelĂ©s par Paul ValĂ©ry petits poĂšmes abstraits »⊠2. 2. LittĂ©ralitĂ© vs. lyrisme ou prose vs. poĂ©sie 26 MĂȘme lorsque le personnage nousâ regarde, telle la femme assise de Western Motel, câest comme si ... 27 Dans son Ă©tude sur Hopper rĂ©digĂ©e en 1989 pour le catalogue dâexposition du musĂ©e Cantini de Marse ... 20Ă premiĂšre vue, les toiles de Hopper nous livrent des existences ordinaires, aux prises avec leur quotidien, leur solitude, leurs rĂȘves â leur humanitĂ©. Chambres, salles de restaurant, de théùtre, de cinĂ©ma, bureaux, halls dâhĂŽtels, quais de gare, compartiments de train, maisons en bord de mer⊠dĂ©clinent ces lieux que lâhomme moderne habite tant bien que mal, et tĂ©moignent, en mĂȘme temps que dâun ĂȘtre-lĂ , de lâinsatiable dĂ©sir dâailleurs qui le traverse. Ce dĂ©sir se rend palpable dans le regard de personnages immobiles scrutant des lointains que la toile nous dĂ©robe â regard se dĂ©robant lui-mĂȘme au regard du spectateur, butant, on lâimagine, sur les façades des immeubles en vis-Ă -vis. Contrairement aux lointains figurĂ©s par la peinture romantique, ceux de Hopper demeurent dans lâinvisible dâintĂ©rioritĂ©s que lâon pressent sans les voir quand elles ne sont pas faussement absorbĂ©es dans le face Ă face avec les objets transparents du quotidien tasses de cafĂ©, journaux, horaires de chemin de fer, pianos, pompes Ă essenceâŠ, elles regardent lâailleurs, dans le hors champ de la toile, sans que nous puissions intercepter un regard26 dont nous Ă©chappent intention, objet et intensitĂ©. Au vrai, les lointains de Hopper sont plus intĂ©rieurs Henri Michaux que gĂ©ographiques27, et les proses dâEsteban en prennent acte. Ainsi en va-t-il des femmes du Lit dĂ©fait » ou de Matin Ă Cape Cod » [30]. Elle regarde devant elle, vers le soleil. Elle ne regarde pas devant elle. Elle regarde au-dedans de sa tristesse. [âŠ]. 1991 129-131 Je souligne. 28 DâaprĂšs Cape Cod Morning, 1950. [39] Elle regarde par-delĂ la croisĂ©e la lumiĂšre qui monte. [âŠ] Elle regarde, elle ne voit rien, elle rĂȘve contre le rebord de sa fenĂȘtre. [...]. Elle voudrait ĂȘtre ailleurs, nâimporte 1991 163-165 Je souligne. 21GĂ©rard Farasse remarque Beaucoup de personnages se tiennent face Ă une croisĂ©e, et regardent. Comme si Hopper les chargeait de reprĂ©senter le spectateur jetant un coup dâĆil par la vitre du tableau et souhaitait attirer son attention, moins sur ce dernier que sur lâexercice mĂȘme du regard. » Et dâen conclure Hopper prĂ©fĂšre montrer celui qui voit plutĂŽt que ce qui est vu. Il peint lâĆil. Non seulement celui de ses personnages mais aussi et surtout celui de qui contemple ses tableaux que ces frustrations multipliĂ©es conduisent Ă sâinterroger sur ce que câest que voir. » 2010 207-208 Or il me semble que ce que nous, spectateurs, voyons, est de lâordre du littĂ©ral, tandis que le regard des personnages a, lui, quelque chose de lyrique dans lâĂ©lan qui le porte, lâespĂ©rance, mĂȘme sourde, qui motive son attention. [T]ressaillement », point qui les troue », point de fuite » câest en ces termes quâYves Bonnefoy analyse la seconde maniĂšre » du peintre, qui campe tel personnage soudain Ă©tranger Ă son lieu, Ă ses intĂ©rĂȘts habituels », nous invitant Ă prendre brusquement recul, devant la vie et nous-mĂȘmes », de sorte que nous percevons tout, un instant, comme au travers dâune Ă©paisse vitre » [1989] 1995 242. Cet instant silencieux oĂč lâĂȘtre tressaille, que capte la scĂšne, ne sâattache que ponctuellement Ă des indications symboliques » id. ainsi le doigt de la femme se posant sur le piano, dans Room in New York, 1932 la plupart du temps, le tressaillement nâest signifiĂ© que par cette Ă©chappĂ©e du regard des personnages. 22Pour reprendre en le dĂ©formant un titre de Didi Huberman, Ce que nous voyons, ce qui nous regarde 1992, je rĂ©sumerais ainsi, quant Ă Hopper Ceux que nous voyons, ceux qui ne nous regardent pas. LâhypothĂšse est que cette tension créée par des regards qui ne se croisent pas personnages vs. spectateurs peut ĂȘtre lue Ă lâaune de la tension entre lyrisme et littĂ©ralitĂ© voire entre poĂ©sie et prose qui traverse le champ poĂ©tique contemporain. NĂ©anmoins, il ne sâagit pas dâopposer radicalement le regard littĂ©ral du spectateur prosaĂŻqueâ au regard lyrique du personnage poĂ©tiqueâ, puisquâaussi bien le spectateur reconnaĂźt son propre dĂ©sir dâailleurs dans celui quâil regarde tandis que le personnage ne nous point que parce quâil se sait pris dans une littĂ©ralitĂ© Ă laquelle il tente de se soustraire. Aussi le poĂšme en prose apparaĂźt-il comme la forme la plus appropriĂ©e pour ressaisir ces tensions regard du spectateur/littĂ©ralitĂ©/prose vs. regard du personnage/lyrisme/poĂ©sie, dans la mesure oĂč il ne fait rien dâautre que proposer au poĂšme un espace intenable â le poĂšme naissant, prĂ©cisĂ©ment, de cet inconfort. 2. 3. Discours vs. rĂ©cit 23La distinction entre discours » et rĂ©cit » Ă©noncĂ©e par Benveniste me permet de formuler un troisiĂšme paradoxe. En effet, la peinture de Hopper assume simultanĂ©ment discours et rĂ©cit, je » et il », prĂ©sent de la toile et passĂ© recomposĂ© par le rĂ©cit. Or les textes dâEsteban, parce quâils sont Ă la fois poĂšmes et rĂ©cits, sâemparent admirablement de cette double posture Ă©nonciative. Le discours serait celui, intĂ©rieur, des personnages, relais de celui du peintre, que sâapproprie Ă son tour le spectateur ce discours sans parole est ainsi celui dâun je » paradoxalement dĂ©fait de ses prĂ©rogatives de sujet, en lequel tout homme est susceptible de se reconnaĂźtre. Lorsque Bonnefoy note que Hopper sâest refusĂ©, passĂ©s les premiers tĂątonnements, Ă lâart du portrait, sauf pour de rares Ă©vocations de Jo [...] dans les rĂŽles les plus divers » [1989] 1995 240, il ressort que lâeffacement dĂ©libĂ©rĂ© des traits singuliers va dans le sens dâun impersonnel que tous les je » sont invitĂ©s Ă investir. 29 LâĂ©tude que consacre Henry Gil Ă la tentation du romanesque » analyse avec attention les diffĂ©re ... 24Qui parle, dans les toiles de Hopper ? Qui raconte ? Il semble que peintre, personnages et spectateurs parlent et racontent tour Ă tour, assumant le je » du discours en mĂȘme temps que le il/elle » du rĂ©cit. Or cette double posture Ă©nonciative se rĂ©sout chez Esteban dans le recours systĂ©matique au on29 » pronom personnel de troisiĂšme personne, il est susceptible de signifier la premiĂšre, de mĂȘme quâil hĂ©site entre singulier et pluriel. Soleil dans une piĂšce vide joue de ces ambiguĂŻtĂ©s, qui inclut et exclut tour Ă tour son locuteur ; interne, externe, singulier, pluriel, il incarne lâhomme, cet impersonnel universel. Je relĂšve quelques incipits, qui soulignent lâambiguĂŻtĂ© de la posture Ă©nonciative 30 Un phare sur la colline », dâaprĂšs Lighthouse Hill, 1927. Câest un phare comme on en voit beaucoup sur la cĂŽte [âŠ] On ne voit pas la mer, on ne verra jamais la 1991 23 31 Trois fenĂȘtres, la nuit ». On croit peut-ĂȘtre que, chaque soir, les maisons se referment sur elles-mĂȘmes comme des huĂźtres. Et que ceux qui les habitent peuvent enfin oublier leurs soucis [...]. On a 1991 29 32 Chop Suey ». La scĂšne est trop vaste pour quâon lâembrasse dâun seul regard. Il sâagit dâun salon de thĂ© ; ou peut-ĂȘtre dâun restaurant, chinois bien sĂ»r, puisque par-delĂ les grandes baies on peut lire lâenseigne [...].32 1991 37 2. 4. Narration vs. description 25Les toiles de Hopper dĂ©crivent et racontent en mĂȘme temps plus justement, câest parce quâelles ne racontent que ce quâelles dĂ©crivent que place est faite Ă lâimagination du spectateur. Elles nâimposent rien, pour accueillir en les mettant en scĂšne des lieux, des existences, que nous pouvons Ă notre tour habiter, incarner, faire vivre. DĂšs lors, il nây a pas lieu de distinguer entre dĂ©crire et raconter. 26Henry Gil remarque quâĂ lâinverse du roman, le descriptif, dans les rĂ©cits quâEsteban consacre Ă Hopper, est battu en brĂšche par le narratif ; mais un narratif Ă peine esquissĂ©, qui bifurque souvent » 2014 227. Il en conclut que, contrairement au roman oĂč le descriptif sâinsĂšre dans le narratif pour lâĂ©tayer ou lâexpliquer, ici, câest le narratif qui sâinsĂšre au sein du descriptif pour justifier celui-ci. » 2014 229 Câest un fait que la narration littĂ©raire, sâattachant Ă la description premiĂšre picturale, le narratif procĂšde du descriptif ; un narratif par ailleurs soumis Ă une forme poĂ©tique autorisant tous les courts circuits⊠Jâirais jusquâĂ poser lâĂ©quivalence relative Ă certains passages description = narration. Il est en effet souvent dĂ©licat de faire le dĂ©part entre ce qui relĂšve de lâĂ©numĂ©ration descriptive et ce qui participe de la succession dâactions le regard du poĂšte met en mouvement ce quâil voit, animant avec des mots sâinscrivant dans la successivitĂ© les Ă©lĂ©ments fixĂ©s sur la toile ; cela est dâautant plus Ă©vident dĂšs lors que lâon respecte le vĆu dâEsteban de lire [s]es lignes sans chercher Ă reconnaĂźtre prĂ©cisĂ©ment telle ou telle image » 1991 7. Dans la mesure oĂč lâimage ne surimpose pas ses signes Ă ceux que nous dĂ©couvrons, oĂč sâarrĂȘte la description, oĂč commence la narration ? Pour exemple, la clausule dâun texte rĂ©pondant Ă un paysage dĂ©sert 33 Aube sur un quai de gare », dâaprĂšs Dawn in Pennsylvania, 1942. [âŠ] Ici, sur le quai blanc [...], on ne sait rien. On distingue juste la partie arriĂšre dâun wagon. [...]. Le quai nâen finit pas dâĂȘtre dĂ©sert. [...] La lumiĂšre est crue, implacable, contre le chariot [...]. Un chariot vide [...] quâun manĆuvre peut tirer Ă lui seul et amener le long dâun fourgon. Mais il nây a personne [...] pour signifier que cette gare nâest pas tout Ă fait morte et quâon va sâaffairer bientĂŽt, se quereller entre hommes, crier quâil faut faire vite pour que le train parte Ă lâheure [...].33 1991 112-113 27La description sâĂ©paissit de narrations possibles celle procĂ©dant du rythme des Ă©lĂ©ments successivement convoquĂ©s, mais encore celle naissant de lâinsertion dâune durĂ©e le prĂ©sent de la description ne se rĂ©vĂšle quâĂ lâaune dâun passĂ© imaginĂ© on a chargĂ© longtemps de la houille⊠» ou dâun futur projetĂ© on va sâaffairer bientĂŽt⊠». Mais câest principalement la prĂ©sence humaine supposĂ©e le manĆuvre que lâon imagine tirer le chariot vide ; les hommes que lâon aimerait voir apparaĂźtre ; les personnifications le wagon qui crie, a vieilli⊠qui charge la description de tout un poids narratif. En prĂ©sence des hommes, un rĂ©cit se rend possible ; les hommes absents, reste sa possibilitĂ©, qui hante la description. 34 Une Ă©tude prĂ©cise gagnerait Ă ĂȘtre conduite sur la façon quâa chaque scĂšne de rĂ©pondre singuliĂšrem ... 28Par ailleurs, Claude Esteban ne propose jamais, dans cette tension description vs. narration, le mĂȘme enchaĂźnement pour ĂȘtre au service dâune Ćuvre picturale qui le prĂ©cĂšde et le justifie, le texte doit demeurer fidĂšle Ă lâaventure du regard qui lâa engendrĂ©. La description peut sâamorcer dĂšs la premiĂšre ligne ou nâintervenir quâĂ la fin du texte, qui paraĂźt se refuser Ă toute ekphrasis ; la narration naĂźtre de la description ou se rĂ©vĂ©ler autonome ; lâinterprĂ©tation, la rĂ©flexion, la mise en abĂźme prendre le pas sur la rĂ©alitĂ© du tableau34. Ainsi le dĂ©but de Girlie Show » Ceux qui vont Ă des spectacles de ce genre doivent aimer les femmes nues. Tous les hommes ou presque aiment les femmes. Mais ceux-lĂ sont dâune espĂšce un peu diffĂ©rente. Sâapprocher dâune femme, lâembrasser, puis la dĂ©shabiller, lui faire lâamour dans un lit, câest quelque chose qui les offusque. Non, je mâexprime mal. Câest plutĂŽt quelque chose de trop rĂ©el, de trop tangible, et quâils veulent diffĂ©rer indĂ©finiment. Câest un acte, et ils prĂ©fĂšrent vivre dans lâimaginaire. Mais il leur faut, malgrĂ© tout, des images pour bĂątir leurs rĂȘves. MĂȘme les poĂštes en ont besoin. Ces hommes-lĂ sont des poĂštes Ă leur façon, des poĂštes qui nâĂ©crivent pas, mais qui vivent intensĂ©ment leurs rĂȘves. 1991 107 35 On aura remarquĂ© que les titres des poĂšmes correspondent presque toujours Ă ceux donnĂ©s par Hopper ... 29Esteban Ă©tablit un parallĂšle entre les spectateurs dont nâapparaissent que quatre tĂȘtes Ă peine visibles au bas de la toile et les spectateurs que nous sommes, avec lui la mise en abĂźme littĂ©rale met en exergue notre besoin dâimages, et valide lâentreprise du poĂšte. Ce dernier poursuit, justifiant son choix de garder comme titre35 au poĂšme celui du tableau Ă dĂ©faut de le traduire Quelques-uns, Ă New York, dans les annĂ©es quarante, appellent cela girlie show. Câest une expression difficile Ă traduire. Elle est trĂšs Ă©loquente en amĂ©ricain. On pourrait peut-ĂȘtre risquer spectacle de filles » ou bien filles sur scĂšne », mais on se rend compte que ce nâest pas du tout satisfaisant. Quand on change de langue, tout devient compliquĂ©. On pourrait dire filles Ă lâĂ©talage », mais la formule est vraiment trop vulgaire, et surtout elle ne rend pas le sens de girlie show, le sens exact. Il faudrait Ă©crire, comme sur une pancarte de cirque Ici on vous montre des filles », mais encore une fois la tournure est mauvaise, elle est aguicheuse, sans plus. Gardons girlie show. 1991 107-108 36 Claude Esteban Ă©voque lâimpossible bilinguisme, lâentre-deux langues simultanĂ©ment douloureux et f ... 30Le poĂšte Ă©voque Ă lâĂ©vidence son propre travail de traduction, non seulement des titres de tableaux en titres de poĂšmes, mais plus largement des images en mots. Lorsquâil note Quand on change de langue, tout devient compliquĂ© », le rĂ©fĂ©rent autobiographique affleure36 en mĂȘme temps que se formule la difficultĂ© de lâentreprise de traduction des peintures de Hopper en textes qui y rĂ©pondent justement. Ainsi la tension description vs. narration mĂ©nage-t-elle une rĂ©flexion mĂ©ta-poĂ©tique qui fait de ces poĂšmes-fictions des poĂšmes simultanĂ©ment critiques. 2. 5. SpatialitĂ© vs. temporalitĂ© 37 DâaprĂšs Western Motel, 1957. Tout est terrible » constitue lâexcipit. 31Si les toiles de Hopper proposent un espace Ă notre apprĂ©hension visuelle, ce quâelles figurent appelle une temporalitĂ©, comme si du temps, en elles cristallisĂ©, ne demandait quâĂ rĂ©intĂ©grer le flux dâune chronologie momentanĂ©ment suspendue, le temps du tableauâ. JâĂ©voquais en introduction la plasticitĂ© du poĂšme en prose, dont la diversitĂ© des actualisations peine Ă construire un archĂ©type relativement long dans le recueil dâEsteban, il se prĂ©sente dâun seul tenant, lâabsence de paragraphes lui confĂ©rant une compacitĂ© qui contribue Ă le faire tenir face Ă la puissance de sidĂ©ration de la peinture de Hopper. Je tiens quâil sâagit Ă©galement de composer avec un espace pictural que le regard embrasse synthĂ©tiquement tandis que lâĂ©criture se dilue dans lâanalyse ; le bloc formĂ© par la prose est le biais par lequel un art du temps se rapproche dâun art de lâespace tu tâimposes Ă moi dans lâinstant dâun regard englobant ; je mâimpose Ă toi par la densitĂ© de prĂ©sence de ma parole qui, comme toi, sature lâespace. Cette tension donne sa pleine mesure Ă la remarque de Wim Wenders On a toujours lâimpression chez Hopper que quelque chose de terrible vient de se passer ou va se passer. » Lâaffirmation rejoint ces deux phrases dâEsteban prĂ©levĂ©es Ă Western Motel » Quelque chose pourrait survenir, on ne sait quoi. » / Tout est terrible37. » 1991 179-180 Claude Esteban sâen explique dans le texte confiĂ© Ă Paroles aux confins Cette peinture mâa sĂ©duit parce que les images de Hopper ont lâair dâĂȘtre saisies Ă lâinstant, un instant qui ne bougera jamais plus mais quâil suffirait de prolonger, mĂȘme une seconde, pour que cette femme assise mette ses chaussures, pour que cet homme ouvre la fenĂȘtre, pour quâun train arrive sur un quai complĂštement dĂ©sert. Par un autre procĂ©dĂ© jâai voulu, devant ces arrĂȘts sur image, les faire bouger Ă ma façon. 2001 199 32Souhaiter animer des images fixes le dĂ©sir dâĂ©criture rencontre ici le dĂ©sir cinĂ©matographique. DĂšs lors, câest dans la brĂšche ouverte par le conditionnel dâun il suffiraitâ que sâengouffre le poĂšme dâEsteban. Le choix de la prose trouve ici sa justification ce ne peut ĂȘtre que grĂące Ă un discours qui va de lâavant » que lâĂ©criture se dote des moyens dâaccompagner lâespace pictural par la mise en mouvement dâune Ă©paisseur temporelle que lâincessant retour sur soi du vers serait inapte Ă gĂ©nĂ©rer. Si elle concerne la prose critique des essais, la remarque de Laura Legros demeure valable pour les textes dĂ©diĂ©s Ă Hopper La spĂ©cificitĂ© de la prose », Ă©crit-elle, tient [âŠ] Ă cette capacitĂ© dâexplorer dans sa durĂ©e propre la temporalitĂ© complexe de la peinture. » 2010 173 Cependant, le tour de force opĂ©rĂ© par Soleil dans une piĂšce vide consiste Ă cumuler lâexpĂ©rience de la durĂ©e introduite par la prose avec la dimension Ă©piphanique du poĂšme. Alors que Laura Legros dĂ©termine les qualitĂ©s de la prose critique des essais en les distinguant de celles de la poĂ©sie, il appert que les 47 poĂšmes en prose consacrĂ©s Ă Hopper, maintenant ensemble prose et poĂ©sie, assument la double expĂ©rience de lâinstant et de la durĂ©e, de lâapparition et de son explication 38 RĂ©fĂ©rence est faite Ă Conjoncture du corps et du jardin. [L]a prose se rĂ©vĂšle apte Ă asseoir le regard dans la durĂ©e, au-delĂ de la seule expĂ©rience esthĂ©tique. Corps ductile, elle ne se propose pas de cristalliser lâapparition â comme pourrait le faire le poĂšme â, mais dâen franchir le seuil pour accĂ©der au temps interne de lâĆuvre. Il revient Ă la poĂ©sie dâexprimer la conjoncture38 et Ă la prose de lâexpliquer, soit dâen dĂ©plier la temporalitĂ© latente en vue de retrouver dans la peinture ce que Claude Esteban appelle le travail du visible ». Legros 2010 170 39 Le peintre a jetĂ© un charme sur ce quâil voit, lâa engourdi ou endormi Ă lâaide de ses brosses e ... 40 Le texte peut sâattarder sur ce qui sâest passĂ© avant lâinstant fixĂ© dans/par lâespace du tableau ... 33Introduisant du temps dans la peinture39, le poĂšte offre Ă lâespace pictural ce qui lui faisait dĂ©faut ; toutefois, fidĂšle Ă ce que la peinture nâest pas un art du temps, le poĂšme en prose ne trahit pas son rĂ©fĂ©rent le temps imaginĂ©, esquissĂ©, contrariĂ©, hypothĂ©tique⊠quâil construit Ă chaque fois diffĂ©remment40 donne Ă percevoir la qualitĂ© dâimminence que rendent perceptible les toiles de Hopper. Le poĂšme en prose, en effet, ne consacre pas une durĂ©e il la rend possible. Ainsi les poĂšmes emploient-ils toutes les ruses de la conjugaison et les subtilitĂ©s du vocabulaire pour dire, non le temps, mais sa possibilitĂ© rĂ©currence du conditionnel, du futur proche, dâun futur comme empĂȘchĂ© dans sa possibilitĂ©, recours au futur antĂ©rieur, Ă lâhypothĂšse, prĂ©sence saturante des modaux peut-ĂȘtre », sans doute »âŠ, mention des habitudes, du vieillissement des corps, rĂ©fĂ©rence au moment de la journĂ©e ou Ă la saison grĂące Ă la qualitĂ© de la lumiĂšre, Ă lâĂ©poque grĂące Ă la date du tableau ou des marqueurs sociĂ©taux telle forme de chapeau, telle architecture⊠34Je livre un exemple prĂ©levĂ© Ă la clausule du poĂšme, cumulant les procĂ©dĂ©s ; le prĂ©sent y rĂ©apparaĂźt systĂ©matiquement aux derniĂšres phrases, comme sâil fallait que les dĂ©rives temporelles rejoignent in fine lâinstant Ă jamais suspendu de la toile 41 Compartiment C, voiture 293 », dâaprĂšs Compartment C, car 293, 1938. On prĂ©fĂšre regarder dehors, mĂȘme si la nuit est tombĂ©e. On distingue parfois, trĂšs vite, des maisons Ă©clairĂ©es dans la campagne. On pourrait y vivre. Ce sont des fermes en bois, avec des clĂŽtures blanches. On y Ă©lĂšverait des chevaux. Un homme va entrer dans le compartiment. Câest le contrĂŽleur. Il a un uniforme et une casquette. Câest un Noir. On lui demandera lâheure Ă laquelle le train doit arriver Ă la gare oĂč lâon va descendre. On demandera aussi sâil y a du retard. Lâhomme rĂ©pondra poliment. Il dira que tout va bien. Il se permettra de demander Ă la jeune femme si elle dĂ©sire un autre magazine. Il y en a quelques-uns de disponibles ce soir. Il y a trĂšs peu de voyageurs. Beaucoup de gens, maintenant, se dĂ©placement en automobile. Elle dira quâelle adore le train. Lâhomme sourira. Elle consulte sa montre, elle garde ses jambes croisĂ©es. Elle a encore un peu de temps devant elle. Son chapeau lui va bien sur ses cheveux blonds. Elle a des joues rebondies, presque 1991 88-89 2. 6. Universel vs. particulier 35Edward Hopper peint la classe moyenne amĂ©ricaine des annĂ©es 1930-60 paysages urbains et ruraux de la cĂŽte Est, scĂšnes campant le quotidien des petite et moyenne bourgeoisies inscrivent sa peinture dans un lieu, un moment, une sociĂ©tĂ©. Pour autant, ce triple marquage spatial, temporel et social finit, non seulement par se confondre avec une certaine idĂ©e de lâAmĂ©rique dĂ©bordant le contexte de son apparition et de ses figurations câest, pour lâEuropĂ©en, tout lâimaginaire de lâAmĂ©rique moderne qui sâapprĂ©hende, bien au-delĂ des annĂ©es 1950, de New York et de la classe moyenne Aucun autre artiste nâa peut-ĂȘtre autant captĂ© lâimaginaire de lâAmĂ©rique quâEdward Hopper », affirme Deborah Lyons, [1997] 2012 11, mais surtout les particularitĂ©s de cet ancrage spatio-temporel et social tendent Ă sâeffacer dans le regard du contemplateur, pour laisser place Ă un questionnement existentiel transcendant toute considĂ©ration contextuelle. Si Hopper nous donne lâAmĂ©rique, il nous donne, Ă travers elle, lâhumain seul, silencieux, mĂ©lancolique. Les poĂšmes en prose dâEsteban sont en cela fidĂšles Ă leur modĂšleâ, qui ne reconnaissent le rĂ©fĂ©rent amĂ©ricain que pour nous confronter Ă nous-mĂȘmes. La confidence suivante ouvre le recueil Je ne connais pas les Ătats-Unis dâAmĂ©rique. Comme tant dâautres EuropĂ©ens, je nâai fait que les traverser. Jâai vu des aĂ©roports, des campus qui se ressemblent, des avenues de marbre et de verre entre lesquelles je me perdais. Je nâai rien vu. Jâai essayĂ©, un jour, dâen savoir davantage. Jâai regardĂ©, longtemps, des peintures dâEdward Hopper. 1991 7 42 Le mĂȘme phĂ©nomĂšne se produit avec le poĂšte Jacques RĂ©da 1929-, contemporain dâEsteban, qui dit a ... 36Ce nâest pas la confrontation physique avec un territoire qui donne Ă voir lâAmĂ©rique, mais une Ćuvre, des images42. Et il est vrai que les textes de Soleil dans une piĂšce vide sont nombreux qui insistent sur le rĂ©fĂ©rent amĂ©ricain, convoquĂ© Ă hauteur dâune visibilitĂ© picturale dont rendent prioritairement compte les paysages. Paysages urbains, dans Par-dessus les toits » 43 DâaprĂšs City Roofs, 1932. MĂȘme aux Ătats-Unis dâAmĂ©rique, possĂ©der une cheminĂ©e de ce type nâa rien de rĂ©prĂ©hensible, câest plutĂŽt un signe de rĂ©ussite, et ceux qui nâont pas rĂ©ussi dans les affaires, mais qui, par hasard ou par hĂ©ritage, ont une telle cheminĂ©e chez eux, participent, sans le savoir, de ce bonheur rĂ©servĂ© aux plus remarquables de leurs 1991 75-76 37Paysages ruraux, encore 44 Cape Ann, Massachussets ». Câest un endroit protĂ©gĂ©. Il nâa pas souffert du changement qui dĂ©nature, un peu partout, le paysage. On nây construit pas de ces maisons horribles, quâon achĂšte sur plan, et qui dĂ©figure Cape Cod, par exemple. Des villas avec des façades grotesques, affligeantes, comme celles oĂč vivent les artistes de cinĂ©ma et les nouveaux riches, en Californie. Ici, tout a gardĂ© le sens de la mesure, de lâĂ©quilibre, de la proportion, la vieille AmĂ©rique, en somme, celle qui ne peut pas 1991 35 38NĂ©anmoins, lâimaginaire amĂ©ricain nâaurait pas sollicitĂ© de si remarquable façon le poĂšte sâil nâĂ©tait subsumĂ© par un questionnement ontologique qui, peu ou prou, rĂ©sonne en chacun de nous. Ăvoquant ces alliĂ©s substantiels » Char que furent, aux yeux du poĂšte, les peintres Luis Fernandez ou Fermin Aguayo qui incarnĂšrent la condition de lâartiste moderne, Laura Legros remarque que le poĂšte trac[e] Ă ces peintres une conduite dâinquiĂ©tude » 2010 168 or cet ĂȘtre in-quiet, qui mieux que Hopper le figure-t-il ? Ce qui rapproche Claude Esteban dâEdward Hopper est, de fait, une semblable sensibilitĂ© peintre et poĂšte partagent la mĂȘme inquiĂ©tude maĂźtrisĂ©e, presque sereine, qui affleure et interroge lâĂȘtre, sans relĂąche. Si lâĂ©crivain sâavoue fascinĂ© par la peinture de lâartiste amĂ©ricain, il ne lâest probablement autant que parce quâelle est tout entiĂšre traversĂ©e, par delĂ lâapparente sagesse de ses lignes et la maĂźtrise de ses couleurs, de perspectives dĂ©stabilisantes, de paysages dĂ©solĂ©s, de regards perdus, de paroles tues, de gestes inaboutis. Hopper montre ces trous de lâĂȘtre oĂč sâabsente la parole â et quelle meilleure leçon pour la poĂ©sie ? 39Dans Lâimpatience et lâobscur », prĂ©face au catalogue consacrĂ© Ă Aguayo en 1974 reprise dans Traces, figures, traversĂ©es, Claude Esteban Ă©voque en ces termes la peinture de son alliĂ© » Je songe ainsi Ă cet homme qui traverse [...] lâembrasure Ă©troite dâun tableau, et qui nous tourne le dos, qui nous Ă©carte de lui plus quâil ne sâĂ©loigne. Certes, il est davantage quâune silhouette entrevue, mais il est moins quâune personne â la suggestion plutĂŽt, matĂ©rielle et morale Ă la fois, que lâespace, lâincertitude, la dispersion haineuse des apparences vont bientĂŽt le circonscrire, lâentamer, lâanĂ©antir. Car tous ces visages, dont on remarquera sans doute quâaucun dâentre eux ne nous regarde, ces visages, ces yeux absents, fixent au-delĂ de nous [...] un lieu qui les appelle et les aimante â un lieu qui est, peut-ĂȘtre, lâabsence de tout lieu. [...]. [1974] 1985 97 45 Le mĂȘme constat pourrait ĂȘtre Ă©noncĂ© au sujet de la peinture du Danois Wilhelm HammershĂži 1864-19 ... 40Comment ne pas Ă©tablir un parallĂšle avec ce lieu » absent qui aimante » la peinture de Hopper, happe au loin les regards perdus de ses figures â moins [que des] personne[s] », il est vrai ainsi la rĂ©currence du on » chez Esteban et lâeffacement des traits singuliers chez Hopper ? Cette absence de tout lieu », pour angoissante quâelle paraisse, est nĂ©anmoins aussi ce qui fait appel dâair et, avec lui, peinture/poĂ©sie. Si le tressaillement est signe dâune angoisse, il est Ă©galement ce par quoi advient la parole, en ce lieu hors de tout lieu » qui est celui-lĂ mĂȘme de la poĂ©sie, selon lâexpression titrant un essai majeur dâEsteban. Aussi, lâancrage rĂ©aliste de lâĆuvre de Hopper45 nâest-il quâun leurre donnĂ© en pĂąture aux apparences ; Claude Esteban ne sây est pas trompĂ©, qui fait des personnages hopperiensâ les proies dâun questionnement que la fixitĂ© des images nâa de cesse de reconduire 46 Homme lisant le journal ». Il lit, ou plutĂŽt il fait semblant de lire, il se raccroche Ă la page comme sâil ne voulait pas voir ce qui se passe autour de lui, ce qui risque de se passer si seulement il lĂšve les yeux. On dirait quâil a peur de savoir, dâapprendre ce quâil sait dĂ©jĂ , et lire le journal est un moyen commode de gagner quelques minutes avant de se trouver face Ă face avec ce qui, fatalement, doit survenir. [...]46 1991 71-72 47 Matin Ă Cape Cod ». Il suffit de se rĂ©veiller Ă lâaube, de quitter son lit, dâobserver le soleil Ă travers cette vĂ©randa, au milieu des herbes. Sans hĂąte, paisiblement. Mais la femme nâagit pas ainsi. Elle est pressĂ©e, elle est impatiente. Elle a le corps penchĂ©, ses mains sâagrippent au rebord de la fenĂȘtre. Elle veut tout voir, tout saisir. Elle a des yeux qui interrogent. [...]47 1991 163 41La chance du poĂšme en prose est dâautoriser une micro-narration une lexie », en termes barthĂ©siens qui, tout en ouvrant des possibles narratifs, demeure autosuffisante il court le risque du rĂ©cit tout en le prĂ©servant de la dilution narrative grĂące Ă la densitĂ©, au rythme et Ă lâauto-tĂ©lie de ce qui fait en lui poĂšme. 2. 7. Visible vs. invisible 48 Night Windows, Girlie Show, Office in A Small City, New York Movie⊠42Quâelle ressortisse Ă une logique implacable ou relĂšve de lâaporie, la remarque suivante nâen demeure pas moins fondamentale dans lâapprĂ©hension de la peinture de Hopper le visible suppose lâinvisible. Non tant lâinvisible prĂ©cĂ©dant ou entourant la toile invisible dâordre temporel ou spatial redevable dâune logique visuelle Ă©lĂ©mentaire que celui qui lâhabite soit lâinvisible du visible. Car ce que donne Ă voir Hopper, peintre que les historiens de lâart qualifient pourtant de rĂ©aliste » voire de naturaliste », nâest pas le visible mais lâinvisible. Parodiant la formule fameuse de Klee, je dirais que sa peinture ne reproduit pas le visible elle rend visible lâinvisible â lointains invisibles orientant le regard perdu ou transparent des personnages ; pensĂ©es invisibles de ces hommes et femmes silencieux ; espaces quâun cadrage Ă©trange et des plans rapprochĂ©s cachent en partie Ă notre regard non seulement Hopper cadre de façon Ă montrer plusieurs espaces contigus dont certains demeurent tronquĂ©s48, mais encore il place son spectateur tout prĂšs des figures dont il partage consĂ©quemment lâespace, le privant de toute perspective ; invisible extĂ©rieur depuis lâintĂ©rieur, intĂ©rieur depuis lâextĂ©rieur ainsi quâen tĂ©moignent toutes ces fenĂȘtres ouvertes sur la nuit Hotel Room, Compartment C car 293, Office at Night⊠et rĂ©ciproquement ces intĂ©rieurs entourĂ©s de nuit Night Windows, Rooms for Tourists, NighthawksâŠ. 43Or le poĂšme en prose permet Ă Claude Esteban dâapprofondir cette tension entre visible et invisible dâune part, parce que la fiction fait exister lâinvisible, Ă la lettre en lâimaginant que la composition picturale le prĂ©suppose ou quâil soit redevable Ă lâĂ©crivain ; dâautre part, parce que le caractĂšre abstrait de la forme poĂ©tique autorise le visible Ă ĂȘtre bordĂ© dâinvisible et trouĂ© de non-savoir. Aussi le geste dâEsteban consiste-t-il, simultanĂ©ment, Ă dĂ©crire minutieusement et Ă flouterâ ses scĂšnes. Travail de floutage rĂ©currence des modaux, recours frĂ©quent au conditionnel, aux suppositions, digressions temporelles ou rĂ©flexives tenant la scĂšne Ă distance⊠qui ont pour paradoxal effet dâĂ©paissir le donnĂ©-Ă -voir le sfumato que met en place le poĂšte fait de la peinture de Hopper le lieu dâune interrogation existentielle qui dĂ©borde le cadre Ă©troit de la toile, Ă©levant ses figures Ă la dignitĂ© de hĂ©ros tragiques. 44Lâinvisible est dâabord relatif, dans le recueil, au cadrage et Ă la composition des toiles auxquelles il fait Ă©cho ; il revient au spectateur de deviner ce quâil ne peut voir. Pour autant, il ne sâagit pas dâinventer, mais de crĂ©er du volume Ă partir du visible, soit de sauter par le regard de la deuxiĂšme Ă la troisiĂšme dimension 49 Bouteilles et objets divers ». Sur la façade, de part et dâautre des deux vitrines, montent quatre colonnettes graciles. Certes, la derniĂšre sur la droite nâapparaĂźt pas, mais la construction est si rĂ©solument symĂ©trique quâon est en droit de le 1991 154 50 Bureau dans une petite ville ». Par la grande baie de la façade latĂ©rale, on aperçoit lâhomme de profil. Seuls sa tĂȘte et son buste sont visibles, le reste du corps est cachĂ© par la table, une table assez longue en bois sombre. On devine toutefois que lâhomme est dâune taille relativement 1991 170 45Lâinvisible apparaĂźt Ă©galement frĂ©quemment, dans ces proses, comme ce qui manque Ă la scĂšne ; le conditionnel y prend alors en charge le dĂ©sir de lâĂ©crivain-spectateur de voir apparaĂźtre des figures, qui viendraient apporter de la vie, du bruit, Ă ce qui demeure dĂ©sert, dĂ©sespĂ©rĂ©ment silencieux 51 LâĂ©table de Cobb ». Les bĂȘtes sont Ă lâĂ©table, et ces petites notes blanches et rousses qui ponctueraient la scĂšne, comme dans les tableaux flamands, font dĂ©faut, cruellement. On aimerait voir des vaches dans le paysage. On entendrait les clochettes en cuivre tinter. On apercevrait peut-ĂȘtre une jeune fille avec un seau, une paysanne qui reviendrait Ă la ferme, avec un seau plein de lait, lorsque le soir tombe. On ne voit rien de tout 1991 70 Je souligne. 52 Aube sur un quai de gare ». On aimerait que quelquâun apparaisse sur le quai. Que des locomotives lancent leurs panaches de vapeur dans lâair tout neuf, dans le matin qui se lĂšve. Quâil y ait du bruit, des chuintements, des Ă©clairs, des chariots que lâon pousse trĂšs vite vers des wagons, avant que le train ne reparte. Mais il nây a rien de tout cela [âŠ].52 1991 111 Je souligne. 46Cependant, lâinvisible ne saurait se rĂ©duire ni Ă ce que lâon ne peut voir parce que cela Ă©chappe Ă notre champ de vision, ni Ă ce que lâon estime manquer Ă la scĂšne. Il participe aussi de ce que lâon ne peut ou ne veut pas imaginer â lâin-imaginable Ă©tant, par dĂ©finition, lâinvisible mĂȘme 53 Mari et femme ». Le lit doit se trouver dans la partie gauche de la chambre, mais il nâapparaĂźt pas. Il serait inutile dans la scĂšne, il serait incongru. On nâimagine pas la nuit, une lampe de chevet, deux corps couchĂ©s cĂŽte Ă cĂŽte. On ne peut rien 1991 168 54 Bureau dans une petite ville ». On sent bien que cet homme nâexiste pas en-dehors de ce bureau qui domine, de ses grandes baies, la ville. Il est impossible dâimaginer lâhomme au-dehors. OĂč irait-il ?54 1991 171 47NĂ©anmoins, câest prioritairement le hors-cadre spatial, temporel que dĂ©veloppent â au sens photographique â les poĂšmes de Soleil dans une piĂšce vide. Comme si les scĂšnes que nous avions sous les yeux nâĂ©taient que des cristallisations momentanĂ©es du visible, rĂ©sultant dâhistoires longues et complexes dont nous peinons Ă remonter le cours ; des scĂšnes qui, comme celles oĂč se dĂ©ploie lâaction de la tragĂ©die classique, apparaissent contiguĂ«s Ă des espaces invisibles mais actifs, quâelles jouxtent dangereusement la peinture de Hopper est de toutes parts bordĂ©e dâinvisible, un invisible que cherche Ă apprivoiser la fiction. Aussi Alain Buisine reproche-t-il Ă lâĂ©crivain de peupler sa peinture de personnages qui nây figurent pas, de doter ceux que nous voyons dâune intĂ©rioritĂ© psychologique, de bouleverser lâuchronie picturale par lâinsertion de la diachronie, de mettre en mouvement la tension contenue dans des scĂšnes figĂ©es, dâexpliquer des situations qui nâappellent aucun commentaire â bref, le critique tient grief au poĂšte de rendre visible un invisible auto-suffisant. Je ne partage pas cet avis, dont je comprends cependant les motifs Esteban ajoute des couches dâinvisible Ă lâinvisible qui hante dĂ©jĂ la peinture de Hopper. Loin de rĂ©sorber son mystĂšre, il lâĂ©paissit. Jamais, du reste, le poĂšte ne nous impose ni ne se satisfait complĂštement de sa vision ; il nous propose un point de vue, dâimagination, et sâil lâexplique, câest au sens Ă©tymologique oĂč il le dĂ©plie comme lâon dĂ©plie un tissu pour le dĂ©ployer. Ce que nous voyons ne nous suffit pas nous en parlons, nous lâĂ©crivons. Pour autant, dĂ©truisons-nous ce qui fait le charme chant, poĂšme de la peinture parce que nous en faisons quelque autre chose ? 55 DâaprĂšs Two Puritans, 1945. 56 Un phare sur la colline », 1991 23-25. Un homme et une femme, y apprend-on, avaient lâhabitude ... 57 Soir dâĂ©tĂ© ». 58 Entretien nocturne ». 59 Bureau dans une petite ville ». 60 Tunnels », dâaprĂšs Approaching a City, 1946. 48Les passĂ©s quâinvente le poĂšte Ă des paysages sans histoires, les peuplant dâexistences issues dâune rĂȘverie habitĂ©e par lâimaginaire culturel amĂ©ricain Maison prĂšs de la voie ferrĂ©e », Deux puritains55 », oĂč affleure Ă©galement le rĂ©fĂ©rent autobiographique Un phare sur la colline56 » ; les piĂšces attenantes Ă la scĂšne dont il imagine le dĂ©cor Cette maison est laide, [âŠ] avec des meubles absurdes, des poupĂ©es et des coussins roses sur le lit57. » 1991 147-148, antichambres quâil associe au passage des personnages avant quâils nâentrent en scĂšne Câest un homme qui soigne son apparence. Câest le patron. Il a dĂ» accrocher la veste de son complet Ă un cintre, quelque part, dans lâentrĂ©e ou dans une autre piĂšce, pour ne pas la froisser et pour ĂȘtre plus Ă son aise et sâexpliquer avec ses deux partenaires58. » 1991 159 ou qui mettent en exergue, par contiguĂŻtĂ©, un lieu dont est soulignĂ©e lâabstraction La vie se dĂ©roule ailleurs, dans dâautres bureaux, derriĂšre celui-ci, ou plus loin, Ă dâautres Ă©tages59. » 1991 171 toutes ces mises en perspective spatio-temporelles donnent Ă voir un invisible qui, sâil est le fruit de lâimagination dâun poĂšte peuplant de ses fantaisies les tunnels » obscurs de la peinture de Hopper, accompagne notre propre regard dans ces trou[s] noir[s] qui vien[nen]t60 » 1991 142 Ă notre rencontre. Conclusion 49Quâapporte la dimension poĂ©tique du poĂšme en prose aux micro-rĂ©cits composant Soleil dans une piĂšce vide ? Elle assourdit le rĂ©cit, de mĂȘme quâune forme de surditĂ© assourdit le visible, chez Hopper. Car tout nâest pas dicible, racontable â et mĂȘme prĂ©hensible ; approcher le RĂ©el ne se peut quâĂ accepter dĂ©tours, approximations, sfumatos. Voir nâest pas savoir ; a contrario, voir oblige Ă accepter que nous ne savons pas. Ăcrire dans les traces de la peinture, par consĂ©quent, reconduit lâignorance en la creusant 61 Dimanche matin », dâaprĂšs Early Sunday Morning, 1930. [La rue] qui apparaĂźt ici nâa rien dâextraordinaire, et cependant, si on voulait la dĂ©crire, si on voulait seulement rendre compte de ce quâelle est, il faudrait des pages et des pages dâĂ©criture, et encore sans ĂȘtre sĂ»r dâavoir vraiment tout dit. On aura racontĂ©, rien de plus. On aura accumulĂ© de petites notations, Ă la suite les unes des autres. Mais le principal, lâidentitĂ© de la rue, nous aura Ă©chappĂ©. Disons donc seulement, pour faire semblant de nous en approcher, que le ciel est bleu pĂąle au-dessus des 1991 46 50Que font les poĂšmes dâEsteban si ce nâest sâattacher Ă faire semblant de sâapprocher de la peinture de Hopper ? Pour se savoir vouĂ©e Ă lâĂ©chec Mais aprĂšs avoir dit tout cela, notĂ© cela, on sent bien quâon demeure au seuil de lâĂ©nigme » 1991 48, la dĂ©marche nâen aboutit pas moins Ă 47 rĂ©cits-poĂšmes qui, en dĂ©pit des allĂ©gations du poĂšte, cernent probablement mieux quâun savant commentaire lâunivers hopperien. 62 On se reportera Ă lâanalyse remarquable de GĂ©rard Farasse. 63 RedoublĂ©e et transmĂ©diale, dans la mesure oĂč Esteban regarde le personnage peint par Hopper Ă trav ... 64 Bureau dans une petite ville ». LâĂ©pigraphe de Soleil dans une piĂšce vide est empruntĂ©e au mĂȘme ... 5147 tableaux, 47 textes autant de stations poĂ©tiques sur le chemin de la peinture de Hopper, qui finissent par se transform[er] en une histoire » 1991 4Ăšme de couverture dont on peine Ă distinguer les traits du personnage principal peintre ou poĂšte ? Ă qui, donc, appartient la peinture ? Câest la question que lâon est en droit de se poser Ă la lecture de ces rĂ©cits, oĂč affleure par endroits le rĂ©fĂ©rent autobiographique, comme si le poĂšte rĂ©alisait dans ces discrets indices son souhait premier dâentrer dans la toile par un petit bout » Esteban 2001 200 pour en devenir un personnage â ou un livre » Esteban 1991 4Ăšme de couverture ; oĂč certains personnages campĂ©s par le peintre apparaissent comme autant dâallĂ©gories de lâĂ©crivain la jeune couturiĂšre, au limen, figure du rhapsode entamant son ouvrage62 ; lâemployĂ© de bureau, rĂ©incarnation redoublĂ©e et transmĂ©diale63 de Bartleby le scribe, qui nâĂ©crit pas », nâa peut-ĂȘtre jamais Ă©crit une ligne » et prĂ©fĂšre ne jamais commencer64 » 1991 173 ; le peintre absent dont le poĂšte imagine quâil a vĂ©cu lĂ , dans cette piĂšce ensoleillĂ©e dĂ©sormais vidĂ©e de ses habitants, sur laquelle se clĂŽt significativement le recueil Ă©ponyme. 52Hopper a confiĂ©, Ă propos de Sun in an empty room I am after me » Bonnefoy [1989] 1995 250. Ă la suite du peintre, entretenant le mĂȘme paradoxe, le poĂšte est aprĂšs lui » alors mĂȘme quâil cherche Ă sâeffacer, comme si lâeffacement poser la plume et sâeffacer » sont les derniers mots de la quatriĂšme de couverture signĂ©e de ses initiales Ă©tait la condition dâaccĂšs Ă soi-mĂȘme. 53Avant dâen venir au sujet de la table ronde autour dâOctavio Paz, PoĂ©sie et Peinture », Esteban Ă©prouve le besoin de sâarrĂȘter sur la question de la traduction ; je cite une partie de son propos, qui entre en rĂ©sonance Ă©troite avec les poĂšmes en prose dĂ©diĂ©s Ă Hopper â quâil a peut-ĂȘtre dĂ©jĂ commencĂ© Ă Ă©crire Ă cette date [âŠ] je voudrais insister sur un autre Ă©lĂ©ment qui dâailleurs peut se relier trĂšs simplement Ă la rĂ©flexion dâOctavio Paz sur les arts plastiques, qui est celui que jâappellerais, au sens le plus large du terme, le rĂŽle de la traduction â non pas simplement que je veuille le limiter Ă la traduction dâun poĂšme dâune langue Ă lâautre, [âŠ] mais du processus profond de la traduction, câest-Ă -dire le passage des signes dâun registre Ă lâautre, dâune langue Ă lâautre, quâil sâagisse de la traduction de poĂ©sie, ou de la traduction de signes plastiques dans une langue. 1989 17 54Le poĂšte poursuit en ces termes, dĂ©veloppant Ă partir du mot translation », quâil entend depuis lâanglais mais surtout en son sens gĂ©omĂ©trique », sa vision de la traduction auprĂšs de Paz ; or il apparaĂźt que les proses de Soleil dans une piĂšce vide ont tout Ă voir avec elle, la traduction sâapparentant Ă un acte dâamour [mes italiques entre crochets] [âŠ] Octavio Paz a cette dĂ©finition, que je trouve merveilleuse et un peu Ă©tonnante [...] pour moi la traduction est Ă la fois amour et pĂ©dagogie », câest-Ă -dire, amour, le besoin de sâenrichir et dâenrichir sa propre langue par le truchement dâune langue Ă©trangĂšre Ă cette langue [ le poĂšme en prose, grĂące Ă la peinture de Hopper], et pĂ©dagogie, câest-Ă -dire une maniĂšre dâoffrir Ă ceux de la mĂȘme tribu, au sens de MallarmĂ©, quelque chose dans leur langue qui jusquâalors ne leur appartenait pas [ la peinture, pour la poĂ©sie] [âŠ]. 1989 17 55Dans son essai sur le graveur et sculpteur espagnol Eduardo Chillida 1924-2002, qui prĂ©cĂšde de quelque vingt ans ses textes dĂ©diĂ©es Ă Edward Hopper 1972/1991, Claude Esteban Ă©crit [L]âanecdote est peut-ĂȘtre cet instant mĂ©taphorique oĂč le discontinu du quotidien sâaccorde avec le cheminement secret dâune Ăąme â et cristallise tout Ă coup ce que lâon pourrait nommer une fable. » 1972 9 Lisant cela, comment ne pas songer aux toiles du peintre amĂ©ricain comme Ă leur Ă©cho poĂ©tique ? Fables Ă leur maniĂšre, en effet, que ces peintures et ces poĂšmes en prose â mais fables modernes, qui ne nous dĂ©livrent aucune morale pour nous laisser seuls face Ă la beautĂ© tragique de lâhumaine condition. RĂ©fĂ©rences picturales Cobb's Barns and Distant Houses. Edward Hopper. v. 1930. Huile sur toile, 73,3 x 109,2 cm. Whitney Museum of American art, New York. Railroad Sunset. Edward Hopper. 1929. Huile sur toile, 74,5 x 122,2 cm. Whitney Museum of American Art, New York. Automat. Edward Hopper. 1927. Huile sur toile, 69,9 x 90,5 cm. Des Moines art center, Iowa. New York Movie. Edward Hopper. 1939. Huile sur toile, 81,9 x 101,9 cm. MOMA, New York. Girly Show. Edward Hopper. 1941. Huile sur toile, 81,3 x 96,5 cm. Collection privĂ©e. Nighthawks. Edward Hopper. 1942. Huile sur toile, 84,1 x 152,4 cm. The Art Institute of Chicago, Chicago. Office in a Small City. Edward Hopper. 1953. Huile sur toile, 71,7 x 101,6 cm. The Metropolitan Museum of art, New York. Sun in an Empty Room. Edward Hopper. 1963. Huile sur toile, 73 x 100 cm. Collection privĂ©e. Room in New York. Edward Hopper. 1932. Huile sur toile, 73,5 x 91,5 cm. Sheldon Memorial Art Gallery, Lincoln. Western Motel. Edward Hopper. 1957. Huile sur toile, 77,8 x 128,3 cm. Yale University Art gallery, New Haven. Cape Cod Morning. Edward Hopper. 1950. Huile sur toile, 87 x cm. Smithsonian Institution, Washington Lighthouse Hill. Edward Hopper. 1927. Huile sur toile, x cm. Dallas Museum of Art, Dallas. Dawn in Pennsylvania. Edward Hopper. 1942. Huile sur toile, 62,2 x 112,4 cm. Terra Museum of American Art, Chicago. Compartment C, car 293. Edward Hopper. 1938. Huile sur toile, 50,8 x 45,7 cm. Collection privĂ©e. Two Puritans. Edward Hopper. 1945. Huile sur toile, 76,2 x 101,6 cm. Collection privĂ©e. Approaching a City. Edward Hopper. 1946. Huile sur toile, 68,9 x 91,4 cm. The Phillips Collection, Washington Early Sunday Morning. Edward Hopper, 1930. Huile sur toile, 89,4 x 153 cm. Whitney Museum of American Art, New York. Top of page Bibliography Textes de Claude Esteban par ordre de parution Esteban, Claude Chillida, Paris Maeght, 1972. Esteban, Claude Un lieu hors de tout lieu, Paris GalilĂ©e, coll. Ă©critures/figures », 1979. Esteban, Claude Palazuelo, Paris Maeght, 1980. Esteban, Claude Cosmogonie, Draguignan Lettres de Casse, 1981 ; repris dans Conjoncture du corps et du jardin suivi de Cosmogonie, Paris Flammarion, 1983 [Prix MallarmĂ©]. Esteban, Claude Traces, figures, traversĂ©es. Essais sur la peinture contemporaine, Paris GalilĂ©e, coll. Ă©critures/figures », 1985. Esteban, Claude Critique de la raison poĂ©tique, Paris Flammarion, coll. Critiques », 1987. Esteban, Claude table ronde PoĂ©sie et Peinture » organisĂ©e autour dâOctavio Paz, in DĂ©tours dâĂ©criture Octavio Paz, n°13/14, Aix-en-Provence Ădisud, 1989, 14-35. Esteban, Claude ĂlĂ©gie de la mort violente, Paris Flammarion, 1989. Esteban, Claude Le Partage des mots, Paris Gallimard, coll. 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Top of page Notes 1 On se reportera au collectif Le Travail du visible Claude Esteban et les arts plastiques pour prendre la mesure de cet engagement essentiel. 2 Je crois sincĂšrement que la meilleure critique est celle qui est amusante et poĂ©tique ; non pas celle-ci, froide et algĂ©brique, qui, sous prĂ©texte de tout expliquer, nâa ni haine ni amour, et se dĂ©pouille volontairement de toute espĂšce de tempĂ©rament ; mais, â un beau tableau Ă©tant la nature rĂ©flĂ©chie par un artiste, â celle qui sera ce tableau rĂ©flĂ©chi par un esprit intelligent et sensible. Ainsi le meilleur compte-rendu dâun tableau pourra ĂȘtre un sonnet ou une Ă©lĂ©gie. // Mais ce genre de critique est destinĂ© aux recueils de poĂ©sie et aux lecteurs poĂ©tiques. Quant Ă la critique proprement dite, jâespĂšre que les philosophes comprendront ce que je vais dire pour ĂȘtre juste, câest-Ă -dire pour avoir sa raison dâĂȘtre, la critique doit ĂȘtre partiale, passionnĂ©e, politique, câest-Ă -dire faite Ă un point de vue exclusif, mais au point de vue qui ouvre le plus dâhorizons. » Baudelaire [1846], 1999 141 Je souligne. 3 Les toiles de Hopper sâapparentent Ă des vies silencieuses » still lives â lâexpression française natures mortes » se rĂ©vĂ©lant rĂ©solument inappropriĂ©e. Câest une mĂȘme vibration de silence que jâentends dans les Ćuvres de Morandi et Hopper cruches ou verres, chez lâun, personnages ou paysages, chez lâautre â peu importe les formes que prend leur relation au rĂ©el. 4 La recension de GaĂ«tan Brulotte suggĂšre dans son premier paragraphe Il sâagit peut-ĂȘtre de poĂšmes en prose qui auraient la forme de narrations brĂšves. » Pour autant, la piste ne sera pas explorĂ©e, Brulotte sâattachant Ă faire dâEsteban un commentateur » produisant de courts rĂ©cits » 1992 133. Il est vrai que lâarticle participe de la note de lecture quelque peu complaisante davantage que de lâĂ©tude critique. 5 DâaprĂšs Cobbâs Barn and Distant Houses, v. 1931. 6 DâaprĂšs Railroad Sunset, 1929. 7 Cf. peu dâhommes sont douĂ©s de la facultĂ© de voir ; il y en a moins encore qui possĂšdent la puissance dâexprimer. » Baudelaire [1863] 1999 516 8 Les textes citĂ©s dâEsteban sâattachent respectivement Ă Automat 1927, New York Movie 1930, Girlie Show 1941, Nighthawks 1942, Office in a Small City 1953. 9 Relativement critique vis-Ă -vis de lâentreprise dâEsteban, Buisine place en Ă©pigraphe cette phrase de Hopper Le tableau nâa pas Ă raconter plus que cela, et jâespĂšre quâil ne racontera pas quelque anecdote car aucune nâest intentionnelle. » 1994 259 GĂ©rard Farasse y rĂ©pond indirectement dans son Ă©tude, soulignant quâ en dĂ©pit de ses dĂ©clarations, [Hopper] aimait, en compagnie de sa femme, Ă baptiser ses personnages et Ă Ă©laborer des scĂ©narios Ă partir de ses tableaux. » 2010 214. Lâanecdote est rapportĂ©e par Ivo Kranzfelder 2006 143. 10 Henry Gil note Ă juste titre quâ il sâagit dâun narratif Ă peine esquissĂ© qui bifurque souvent, et empreint de poĂ©ticitĂ© dans sa façon de traiter le sens et les sens par association dâidĂ©es. » 2010 227 11 Psychose dans Maison prĂšs de la voie ferrĂ©e », dont on sait que la toile inspira le film ; FenĂȘtre sur cour, mais aussi Le Faucon maltais, dans Trois fenĂȘtres, la nuit » ; Les Anges de lâenfer, explicitement citĂ© dans Les Oiseaux de nuit »⊠12 Bureau dans une petite ville ». 13 Ces catĂ©gories, qui ont le mĂ©rite de la clartĂ©, ne sont cependant pas impermĂ©ables. 14 Les ouvrages et articles sont trop nombreux pour ĂȘtre citĂ©s on se reportera Ă la Bibliographie des Ă©crits sur lâart de Claude Esteban » Ă©tablie par Xavier Bruel dans Le Travail du visible. Claude Esteban et les arts plastiques, 285-299. 15 Laura Legros montre bien que la prose critique du poĂšte va [âŠ] en fin de parcours se pencher vers le mode fictionnel du comme si » ; et lorsquâelle ajoute, Ă propos de la mise en mouvement des Buveurs de VĂ©lasquez, dans Les Gueux en Arcadie » 2000 La figuration se fait Ă proprement parler fiction lorsquâelle est associĂ©e Ă une temporalisation, voire une narrativisation », on ne peut que songer Ă ce qui se trame dans les textes dĂ©diĂ©s Ă Hopper 2010 172. 16 Si le terme dâ accompagnement » est employĂ© positivement par Esteban pour qualifier la seconde approche, de type poĂ©tique 2001 195, on pourrait aussi craindre quâune telle approche ne se transforme, au yeux du lecteur, en approximation â pour qui prĂ©fĂšrerait la raison scientifique Ă la raison poĂ©tique », Ă reprendre le titre dâun essai majeur de Claude Esteban. 17 Cf. lâarticle sus-citĂ© de Laura Legros. 18 Cf. [âŠ] tous les grands poĂ«tes deviennent naturellement, fatalement, critiques. Je plains les poĂ«tes que guide le seul instinct ; je les crois incomplets. [âŠ] il est impossible quâun poĂ«te ne contienne pas un critique. Le lecteur ne sera donc pas Ă©tonnĂ© que je considĂšre le poĂ«te comme le meilleur de tous les critiques. » Baudelaire [1861] 1989 280. Si le propos concerne la musique de Wagner, on sait que câest le regard portĂ© sur les arts plastiques qui a fait de Baudelaire le critique dâart admirable quâil est devenu. 19 Les Ă©tudes conduites par GĂ©rard Farasse ou Henry Gil lisent admirablement certains de ces textes ; mon regard ne se substitue pas Ă leurs analyses il poursuit Ă leurs cĂŽtĂ©s la lecture du recueil dâEsteban, sans insister sur ce qui a dĂ©jĂ Ă©tĂ© soulignĂ©. 20 On se reportera notamment au chapitre La nature et son lieu » [1983] de Traces, figures, traversĂ©es 1985 253-272. 21 Le peintre Aguayo, qui sâentretient avec Claude Esteban, constate PlutĂŽt quâĂ voir, lâĆil a tendance Ă reconnaĂźtre. Câest sa fonction la plus importante de reconnaĂźtre, pas de voir. » 1985 124 22 Cf. Tout ce que je veux, câest peindre la lumiĂšre sur lâangle dâun mur, sur un toit. », Edward Hopper citĂ© par Yves Bonnefoy [1989] 1995 235. Dans cette Ă©tude, Bonnefoy analyse la dĂ©cisive et dĂ©finitive confiance dans la lumiĂšre » que lâartiste amĂ©ricain dut Ă sa dĂ©couverte de la peinture française lors de son sĂ©jour parisien 230 et sq. 23 Si les 47 textes suivent lâordre chronologique de composition des tableaux de 1921 Ă 1963, il reste que leur choix appartient au poĂšte â de mĂȘme que câest lui qui dĂ©cide dâinterrompre sa suite avec Soleil dans une piĂšce vide » Ă la fin, il lui semble avoir vĂ©cu tout cela, et lorsque le soleil, un aprĂšs-midi dâĂ©tĂ©, traverse une piĂšce vide, il devine que le peintre va mourir et quâil lui faut, tel Bartleby le copiste, Ă©crire, lui, la derniĂšre phrase du livre, poser la plume et sâeffacer. » dernier paragraphe de la 4Ăšme de couverture 24 Lâanalyse pourrait sâappliquer Ă nâimporte quel poĂšme du recueil. 25 Soleil dans une piĂšce vide », dâaprĂšs Sun in an Empty Room, 1963. 26 MĂȘme lorsque le personnage nousâ regarde, telle la femme assise de Western Motel, câest comme si nous Ă©tions, pour lui, transparents nĂ©cessaires quoique invisibles â ce qui est le propre de tout spectateur⊠27 Dans son Ă©tude sur Hopper rĂ©digĂ©e en 1989 pour le catalogue dâexposition du musĂ©e Cantini de Marseille, Bonnefoy laisse entendre que lâalternative Ă©quivaut Ă un repentir les personnages de Hopper regardent ailleurs, ou nulle part » [[1989] 1995 239. 28 DâaprĂšs Cape Cod Morning, 1950. 29 LâĂ©tude que consacre Henry Gil Ă la tentation du romanesque » analyse avec attention les diffĂ©rentes valeurs prises par le on » dans le recueil 2014 225-238. 30 Un phare sur la colline », dâaprĂšs Lighthouse Hill, 1927. 31 Trois fenĂȘtres, la nuit ». 32 Chop Suey ». 33 Aube sur un quai de gare », dâaprĂšs Dawn in Pennsylvania, 1942. 34 Une Ă©tude prĂ©cise gagnerait Ă ĂȘtre conduite sur la façon quâa chaque scĂšne de rĂ©pondre singuliĂšrement Ă chaque tableau, notamment dans le choix des Ă©lĂ©ments retenus par le poĂšte et dans la maniĂšre quâa son regard de se dĂ©placer sur la toile, dont les mouvements influent indubitablement sur lâagencement textuel. Brian OâDoherty commente dans sa prĂ©sentation des registres du peintre, Le mot et lâimage une entente rĂ©ciproque », lâexcellence des descriptions de Jo, sa femme, et Ă©tablit un parallĂšle avec les dossiers musĂ©aux associant la reproduction de lâĆuvre avec sa description Ă©crite le critique dâart remarque que lâart de dĂ©crire un tableau nâest pas naturel » 2012 28, lâopĂ©ration impliquant une succession dâĂ©tapes que lâon serait bien en peine de rĂ©duire Ă un protocole. 35 On aura remarquĂ© que les titres des poĂšmes correspondent presque toujours Ă ceux donnĂ©s par Hopper Cape Cod Morning > Matin Ă Cape Cod » ; Office in a Small City > Bureau dans une petite ville » ; Sun in an Empty Room > Soleil dans une piĂšce vide » etc.. Presque. On a pu voir, en outre, que la question du titrage Ă©tait loin dâĂȘtre anodine aux yeux du poĂšte Girlie Show est conservĂ© tel quel comme Chop Suey, Summertime, Rooms for tourists ou Western Motel, pour diverses raisons que lâon conçoit sans peine, dans la mesure oĂč Esteban reconnaĂźt nâavoir pas rĂ©ussi Ă en donner un Ă©quivalent satisfaisant en français. Avouant ĂȘtre attentif au titre de ses textes, Esteban nous invite par lĂ mĂȘme Ă nous interroger sur le presqueâ qui fait que nombre des titres choisis pour ses poĂšmes signent un lĂ©ger dĂ©calage avec les originaux Two on the Aisle devient Fauteuils dâorchestre » ; Automat devient Distributeur de cafĂ© » ; Hodgkinâs House, Cape Ann, Massachussets devient Cape Ann, Massachussets » ; Cobbâs Barn and Distant Houses devient LâĂ©table de Cobb » ; Cape Cod Evening devient Maison, herbe et chien » ; Approaching a City devient Tunnels » ; Seven devient Bouteilles et objets divers » ; Hotel by a Railroad devient Mari et femme »⊠Ce lĂ©ger tremblĂ©â des titres suppressions ou modifications de diverses teneurs signifie deux choses, apparemment contradictoires dâune part, le poĂšte marque son territoire, celui des mots. Sâil nâest queâ lâinterprĂšte dâune peinture qui le prĂ©cĂšde, il se rĂ©serve prĂ©cisĂ©ment le droit de lâinterprĂ©ter. Dâautre part, et paradoxalement, les titres quâil soumet sonnentâ Ă©trangement comme des titres dâĆuvres picturales Bouteilles et objets divers » fait songer Ă une nature morte ; Maison, herbe et chien » Ă une scĂšne de genre ; Mari et femme » Ă un portrait⊠Comme si le poĂšte sâappropriait la peinture en donnant des titres de tableaux Ă ses poĂšmes⊠Admirable chassĂ©-croisĂ© pour qui veut penser les relations de la poĂ©sie Ă la peinture ! Et comment ne pas songer que City Roofs devenu Par-dessus les toits » est un clin dâĆil dâEsteban Ă Hopper, peintre qui goĂ»tait tout particuliĂšrement la poĂ©sie entre autres française et lisait Verlaine dans le texte ? 36 Claude Esteban Ă©voque lâimpossible bilinguisme, lâentre-deux langues simultanĂ©ment douloureux et fĂ©cond français/espagnol Ă lâorigine de sa vocation poĂ©tique dans son rĂ©cit autobiographique Le Partage des mots. 37 DâaprĂšs Western Motel, 1957. Tout est terrible » constitue lâexcipit. 38 RĂ©fĂ©rence est faite Ă Conjoncture du corps et du jardin. 39 Le peintre a jetĂ© un charme sur ce quâil voit, lâa engourdi ou endormi Ă lâaide de ses brosses et de ses pinceaux. La rĂȘverie dâEsteban dĂ©livre la rĂ©alitĂ© de cet enchantement en la faisant retourner Ă son flux. Il introduit dans lâimage, dont les personnages sont Ă la source de dĂ©rives narratives et dâimprobables rĂ©cits qui bifurquent, ce qui lui manquera toujours le temps. » Farasse 2010 200 40 Le texte peut sâattarder sur ce qui sâest passĂ© avant lâinstant fixĂ© dans/par lâespace du tableau ainsi Maison prĂšs de la voie ferrĂ©e », dâaprĂšs House by the Railroad, 1925, tout entier tournĂ© vers le passĂ© de la maison ou commencer avec lui ainsi Summertime », dâaprĂšs Summertime, 1943 ; il peut Ă©galement supposer ce qui va se passer, notamment Ă la coda des poĂšmes, chaque prose dosantâ diffĂ©remment lâexpĂ©rience temporelle. On se reportera aux pages 230-235 de lâanalyse conduite par Henry Gil. 41 Compartiment C, voiture 293 », dâaprĂšs Compartment C, car 293, 1938. 42 Le mĂȘme phĂ©nomĂšne se produit avec le poĂšte Jacques RĂ©da 1929-, contemporain dâEsteban, qui dit avoir rencontrĂ©, enfant, la vraie AmĂ©rique » grĂące aux vignettes du Journal de Mickey 1984 14-19 qui lâauront dispensĂ© de tout voyage rĂ©el aux Ătats-Unis. Cette supĂ©rioritĂ© de la reprĂ©sentation sur la confrontation gĂ©ographique se confirmera avec la dĂ©couverte des faux timbres » du peintre amĂ©ricain Donald Evans 1945-1977, que raconte son livre Affranchissons-nous lâAmĂ©rique ne se rendrait-elle perceptible, pour un EuropĂ©en, quâĂ travers la mĂ©diation dâune image et dâun cadre vignettes, timbres, toiles, Ă©crans⊠? 43 DâaprĂšs City Roofs, 1932. 44 Cape Ann, Massachussets ». 45 Le mĂȘme constat pourrait ĂȘtre Ă©noncĂ© au sujet de la peinture du Danois Wilhelm HammershĂži 1864-1916, qui prĂ©sente bien des points communs avec celle de Hopper. 46 Homme lisant le journal ». 47 Matin Ă Cape Cod ». 48 Night Windows, Girlie Show, Office in A Small City, New York Movie⊠49 Bouteilles et objets divers ». 50 Bureau dans une petite ville ». 51 LâĂ©table de Cobb ». 52 Aube sur un quai de gare ». 53 Mari et femme ». 54 Bureau dans une petite ville ». 55 DâaprĂšs Two Puritans, 1945. 56 Un phare sur la colline », 1991 23-25. Un homme et une femme, y apprend-on, avaient lâhabitude de se promener prĂšs du phare, lâĂ©tĂ©, cueillant des fleurs, regardant la mer. Mais [l]a femme est morte. On dit quâelle Ă©tait plus ĂągĂ©e que lui, quâelle Ă©tait de santĂ© fragile. Mais ce fut par accident, un jour de septembre, Ă quelques kilomĂštres du phare. » Claude Esteban intĂšgre ainsi discrĂštement Ă cette fiction picturale la mort de sa propre femme la peintre Denise Esteban. On se reportera Ă lâadmirable ĂlĂ©gie de la mort violente. 57 Soir dâĂ©tĂ© ». 58 Entretien nocturne ». 59 Bureau dans une petite ville ». 60 Tunnels », dâaprĂšs Approaching a City, 1946. 61 Dimanche matin », dâaprĂšs Early Sunday Morning, 1930. 62 On se reportera Ă lâanalyse remarquable de GĂ©rard Farasse. 63 RedoublĂ©e et transmĂ©diale, dans la mesure oĂč Esteban regarde le personnage peint par Hopper Ă travers le personnage de Melville, pour en venir lui-mĂȘme Ă rĂ©crire la figure de lâemployĂ© de bureau. 64 Bureau dans une petite ville ». LâĂ©pigraphe de Soleil dans une piĂšce vide est empruntĂ©e au mĂȘme livre de of page References Electronic reference Marie Bourjea-Joqueviel, Une vie moderne et plus abstraite ». Claude Esteban / Edward Hopper poĂšmes en prose », Textes et contextes [Online], 2019, Online since 06 December 2019, connection on 24 August 2022. URL of page About the author Marie Bourjea-Joqueviel MCF HDR, UniversitĂ© Paul-ValĂ©ry Montpellier 3, Route de Mende, 34090 Montpellier, RIRRA 21 EA 4209Top of page
Le Grand Palais propose la plus grande exposition jamais consacrĂ©e en France Ă Edward Hopper, une vraie rĂ©trospective qui raconte la genĂšse de lâĆuvre du peintre, amĂ©ricain et en mĂȘme temps grand francophile influencĂ© par les post-impressionnistes et les fauves. Visite guidĂ©e avec le commissaire de lâexposition, qui a voulu prĂ©senter un peintre plus complexe quâil nây paraĂźt jusqu'au 28 janvier Il nây a aucun tableau dâEdward Hopper 1882-1967 dans les collections françaises, ni quasiment dans les collections europĂ©ennes, si ce nâest au MusĂ©e Thyssen-Bornemisza Ă Madrid. Cette exposition qui rĂ©unit 55 des cent tableaux peints par lâartiste dans sa pĂ©riode de maturitĂ© aprĂšs 1924 est donc une occasion unique de voir lâensemble de son travail. Quand Hopper commence Ă connaĂźtre le succĂšs, il a plus de quarante ans. Avant, il nâa pratiquement rien vendu et doit vivre de travaux dâillustration. Lâexposition donne une large place Ă la premiĂšre partie de sa vie, Ă ses aquarelles, ses dessins et ses peintures parisiennes. Hopper incarne pour nous une certaine image de lâAmĂ©rique, et pourtant, raconte Didier Ottinger, le commissaire de lâexposition, il est le plus français des peintres amĂ©ricains ». Lâexposition commence avec les premiĂšres annĂ©es du XXe siĂšcle, annĂ©es de formation Ă New York, auprĂšs de Robert Henri, peintre rĂ©aliste qui prĂŽne un art amĂ©ricain ». Deux petits tableaux de cette pĂ©riode, dĂ©jĂ , portent en germe tout lâunivers de Hopper », souligne Didier Ottinger les cadrages, les figures solitaires, un spectateur qui regarde un Ă©cran vide. Ils sont en noir, blanc, gris. A Paris, Hopper va apprendre la couleur. Edward Hopper fait trois sĂ©jours en France entre 1906 et 1910. Il a une vĂ©ritable passion pour Paris. Il Ă©crit Ă sa mĂšre quâil nâa jamais vu une ville aussi harmonieuse », raconte le commissaire. Il apprend le français, aime la poĂ©sie symboliste. Il est capable de rĂ©citer des poĂšmes de Verlaine et Rimbaud. Le peintre dĂ©couvre la peinture moderne parisienne et voit les impressionnistes quâil admirait, notamment Degas. Il est particuliĂšrement marquĂ© par Albert Marquet dont il adopte les masses colorĂ©es. Il peint comme lui les quais de la Seine et sâinspire de ses points de vue singuliers. Il est sĂ©duit par le Suisse FĂ©lix Vallotton, son univers domestique, ses femmes Ă la couture, dont ses propres figures fĂ©minines regardant par la fenĂȘtre seront lâĂ©cho. Hopper voue un grand culte Ă Daumier ». Il croque des figures parisiennes, comme ce type Ă bĂ©ret avec une bouteille de vin et une miche de pain, dans lesquelles Didier Ottinger voit lâhumour du peintre. Pour lui, Hopper nâest pas uniquement le peintre mĂ©lancolique quâon a voulu voir. Hopper admire aussi les vues dâEugĂšne Atget. Ce qui lâintĂ©resse chez le photographe, câest quâil peint un Paris mĂ©taphysique, dĂ©peuplĂ©, un dĂ©cor de théùtre ». Pendant ses annĂ©es parisiennes, lâAmĂ©ricain va reprĂ©senter comme lui un coin de cour ou un escalier dĂ©serts. Quand il rentre Ă New York, nourri de peinture française, Hopper est mal reçu. Entretemps est apparu aux Etats-Unis le groupe des huitâ, que la presse assimile Ă lâAshcan School, lâĂ©cole de la poubelle, parce quâils prĂ©sentent la ville amĂ©ricaine dans ce quâelle a de plus chaotique, de plus laid ». Ils prĂŽnent une peinture inspirĂ©e par la vie quotidienne des mĂ©tropoles amĂ©ricaines. La critique amĂ©ricaine reproche Ă Hopper dâĂȘtre too frenchâ, trop français ». Avec ces peintres, Hopper va sâintĂ©resser au dĂ©veloppement dâune conscience artistique nationale, admirant Charles Burchfield qui a su donner une dimension Ă©pique et nouvelle Ă sa sympathie pour la banalitĂ© ». Tout en se mĂ©fiant dâune idĂ©e de gĂ©nie national » trop Ă©troite et chauvine. Hopper vit pendant 25 ans de ses illustrations commerciales. Il sâinitie Ă la gravure, puis peint des aquarelles, qui vont enfin le rĂ©vĂ©ler et lui permettre de se consacrer entiĂšrement Ă la peinture. Didier Ottinger commente pour nous une toile, House by the Railroad » 1925, qui est pour lui un concentrĂ© de lâesthĂ©tique de Hopper ». Une maison blanche baignĂ©e de lumiĂšre se tient derriĂšre une voie ferrĂ©e qui traverse le premier plan, en contre-plongĂ©e. Câest la superposition de deux univers cette maison de style Garfieldâ, du milieu du XIXe siĂšcle, appartient Ă lâhistoire amĂ©ricaine, câest le symbole de lâĂąge dâor dâavant la Guerre de SĂ©cession. Le nouvel Ăąge amĂ©ricain, lâĂąge industriel, est symbolisĂ© par la voie ferrĂ©e, qui illustre aussi le passage du temps. » En 1926-27, Hopper se met Ă peindre beaucoup »⊠câest-Ă -dire six ou sept tableaux par an. Ce qui fait dire au commissaire que pour le peintre, chaque tableau rĂ©pond Ă une nĂ©cessitĂ© absolue ». Les annĂ©es oĂč il peint peu, il en peint un ou deux. Hopper va peindre inlassablement des bĂątiments, des chambres dâhĂŽtel, des pompes Ă essence. Souvent une fille solitaire regarde par la fenĂȘtre. Les couples ne se regardent pas, ils lisent ou regardent dans des directions opposĂ©es. Dans les thĂšmes de lâAmĂ©rique ordinaire, il introduit des couleurs extraordinaires, une lumiĂšre fantastique au sens propre. Il peint dans le style de lâAshcan School en y intĂ©grant ce quâil a appris de la peinture française, les volumes de Marquet, des couleurs intenses. Il a reversĂ© » lâenseignement du fauvisme dans le rĂ©alisme amĂ©ricain. Par ailleurs, la rĂ©alitĂ© banale peut cacher des rĂ©fĂ©rences plus subtiles. Commentant un des tableaux les plus connus de Hopper, Chambre dâhĂŽtel », Didier Ottinger raconte que la scĂšne est inspirĂ©e de BethsabĂ©e au bain tenant la lettre de David» de Rembrandt. Dans le tableau de Hopper, la femme assise dans une chambre dâhĂŽtel dĂ©chiffre un indicateur des chemins de fer. Quoi de plus trivial ? Mais si on voit plus loin, Hopper Ă©tait un grand admirateur de Proust. Il pourrait ici faire allusion Ă la Recherche », oĂč Swann qui attend Odette fantasme sur lâindicateur des chemins de fer en pensant au train quâelle va prendre. Les lectures des tableaux de Hopper peuvent ĂȘtre multiples. Autre Ćuvre trĂšs connue, Nighthawks », oĂč quelques personnages sâattardent dans un bar de nuit, dans une ambiance verdĂątre. Didier Ottinger dĂ©taille. Une source possible dâinspiration de la scĂšne est une nouvelle dâErnest Hemingway, Les Tueurs » Hopper est un grand admirateur de lâĂ©crivain qui, pour lui, reprĂ©sente la vraie littĂ©rature amĂ©ricaine, dĂ©barrassĂ©e de la narration Ă lâeau de rose. Autre piste, le CafĂ© de nuit » Ă Arles de Van Gogh. Ou encore La Ronde de nuit » de Rembrandt Nighwatch » en anglais. Le tableau peut ĂȘtre en lien avec la rĂ©alitĂ© directe il a Ă©tĂ© peint juste aprĂšs Pearl Harbour, Ă un moment oĂč les AmĂ©ricains sont en pleine psychose. Les tableaux de Hopper sont les Ă©crans de projection des fantasmes de ceux qui les regardent », rĂ©sume le commissaire. Lâexposition se clĂŽt sur deux tableaux. Two Comedians » 1966 est une espĂšce de testament ». Un homme et une femme au bord dâune scĂšne de théùtre, saluent le public. Câest le dernier tableau peint par un artiste qui ne laissait rien au hasard. Il est clair quâil y tire sa rĂ©vĂ©rence, en compagnie de son Ă©pouse, Jo, quâil a Ă©pousĂ©e en 1924. Lâautre tableau, Sun in an Empty Room » 1963, reprĂ©sente une piĂšce vide et la lumiĂšre qui entre par la fenĂȘtre. La lumiĂšre quâil a voulu peindre toute sa vie et qui apparaĂźt ici complĂštement dĂ©pouillĂ©e de toute anecdote. Edward Hopper, Grand Palais, entrĂ©e Champs-ElysĂ©es, Paris 8e Tous les jours sauf mardi et 25 dĂ©cembre, 10h-22h du mercredi au samedi, 10h-20 le dimanche et lundi tous les jours de 10h Ă 22h pendant les vacances scolaires jusqu'au 28 janvier 2013 Tarifs 12⏠/8⏠Renseignements et rĂ©servations
Bonjour, Voici ma question Quel est le lien entre le tableau "maison au bord de la voie ferrée"et le réalisme merci de me répondre Lista de comentårios hirondelle52 Réponse Explications Bonjour, Le tableau est réalisé légÚrement en contre bas des voies, comme le verrait un passant. nonikalash ExplicationsL'angle de vue dans laquelle Maison au bord de la voie ferrée a été peint et trÚs semblable à ce que pourrait voir une personne passant aux alentours de la maison ce qui fait le réalisme de cette peinture More Questions From This User See All
Bonjour Ă vous, les amies et amis du tableau du samedi, la communautĂ© de Melly La semaine derniĂšre j'ai dĂ©cidĂ©, aprĂšs deux essais infructueux, de retrousser mes manches, et de voir coute que coute l'exposition Edward Hopper du grand palais . Inutile de vous le cacher, c'est une expo qui se mĂ©rite ! Je m'en suis quand mĂȘme plutĂŽt bien sortie, avec une attente de "seulement" une heure dix et de la pluie. Heureusement, derriĂšre moi deux jeunes dames avaient un grand parapluie que j'ai discrĂštement squattĂ© Je n'ai vraiment pas regrettĂ©, c'est superbe. Connaissant dĂ©jĂ les oeuvres par les livres, ou le net, j'ai toujours apprĂ©ciĂ© et les voir devant soi est une rĂ©vĂ©lation. Toute la carriĂšre du peintre est reprĂ©sentĂ©e, pas seulement les oeuvres les plus connues, comme le cĂ©lĂšbre "night hawks", mais Ă©galement ses crĂ©ations de jeunesses les annĂ©es parisiennes ses gravures, ses publicitĂ©s. La prĂ©sentation est trĂšs bien faite, aĂ©rĂ©e, claire. MalgrĂ© la foule on peut regarder, s'arrĂȘter, revenir. Bien sĂ»r la derrniĂšre partie est le point fort de la visite, avec les grands tableaux, les plus cĂ©lĂšbres. Un monde Ă©trange, fait de paysages absolument vides, qu'ils soient urbains, de campagne ou de bord de mer. Les personnages, quand une scĂšne leur est consacrĂ©e, semblent abĂźmĂ©s dans une solitude et un ennui profond. On en ressort avec un sentiment trĂšs parrticulier, de grande beautĂ©, teintĂ© d'un certain malaise. J'ai choisi de vous prĂ©senter les deux toiles que j'ai le plus admirĂ©es . Ce " ground swell" , paysage en mer aux couleurs de rĂȘve, et qui exceptionnellement est l'image d'une certaine sĂ©rĂ©nitĂ© ou joie. Cette toile est immense, et donne l'impression de pouvoir plonger ! clic sur image pour voir en plus grand Et puis ce coucher de soleil sur une voie ferrĂ©e les trains sont omniprĂ©sents dans l'oeuvre de Hopper Paysage vide, aux couleurs incendiaires, qui explose sur le mur oĂč il est prĂ©sentĂ©. Alors, un conseil, si vous pouvez, bravez la foule et la mĂ©tĂ©o, allez-y !
edward hopper maison au bord de la voie ferrée